Scénario de Fabien Nury et dessin de Brüno. Dargaud, 2018, 90 pages, 16 euros.
Année 1956. Des tueurs de la mafia cubaine ont sorti Tyler Cross de sa retraite mexicaine. Ils ont tué sa compagne et l’ont raté. Il apprend que son magot a été placé par l’« ami Sid», avocat véreux, dans une combine immobilière louche visant à acquérir une des îles Key en Floride, « Crab Key ». Bien qu’il soit recherché dans cinq États américains et que sa tête soit mise à prix par la mafia, il lui faut, pour vivre, recouvrer son argent.
« Plus j’en sais, plus je suis en danger »
Tyler Cross est de retour. « Miami, il n’y a pas un immeuble, pas une brique honnête dans cette ville » ; « Le sphincter de Sid réagit plus vite que son cerveau mais Sid le Veinard était déjà au bon endroit » ; « Et plus j’en sais, plus je suis en danger » : la série BD de Tyler Cross pourrait en remontrer aux grands auteurs de roman noir étatsunien. Âmes sensibles s’abstenir.
L’album s’ouvre par la « mise en béton » d’une jeune femme qui en savait trop. Le futur immeuble pour touristes se nomme « l’Eden Blue ». La BD se referme par l’inauguration du même hôtel en présence des autorités politiques et mafieuses de Miami. Une jeune femme, Shirley Axelrod, en est devenue la directrice. Elle est la seule survivante, au propre comme au figuré, de la précédente équipe et des « investisseurs ». Shirley était pourtant une « fille normale », mais elle était le seul point d’entrée pour que Tyler récupère son fric et se venge. Tyler le sait bien : les gens normaux n’existent plus quand on leur met la pression.
Tragédie humaine en 4 actes
L’hémoglobine coule à flots, les trahisons et coups foireux se succèdent et les crabes se régalent du cadavre de Sid. Les auteurs nous amènent dans le paradis américain de l’époque (Cuba, les îles Key, Key West, Miami) où chaque opération immobilière cache des crimes en nombre. On frémit en pensant à ce que pourrait redevenir Cuba sous la coupe de la mafia d’aujourd’hui. Protégée et épargnée par Tyler Cross, Shirley survivra à tous les coups et pourra pactiser avec le clan vainqueur tandis que Tyler retourne au Mexique s’y planquer. Pour combien de temps ?
Miami se révèle être une tragédie humaine en quatre actes, un prologue et un épilogue, racontée à la troisième personne pour noircir encore le récit. Les planches muettes en gros plan alternent avec des planches aux dialogues édifiants. La violence du récit de Fabien Nury est magnifiquement servie par le dessin de Brüno tandis que les couleurs en aplat de Laurence Croix font fi de la représentation des éléments naturels pour mieux souligner l’ambiance. Qui a dit que la mer était bleue ?
L’album, construit sur le principe de cinq planches par page, s’emballe dès que l’action l’exige et les cases peuvent doubler ou tripler. Accrochez-vous au bateau, nous sommes en Floride !
Sylvain Chardon