Publié le Vendredi 15 novembre 2024 à 15h00.

Carcasse. Une enquête sur les routes de sang, d’Émilie Fenaughty

Éditions Marchialy, 200 pages, 20 euros.

Jeune autrice et journaliste française, Émilie Fenaughty part sur les routes du bétail mondialisé. Elle paye de sa personne, pour une enquête en live auprès de quelques femmes et hommes engagéEs dans la lutte pour le bien-être animal.

Les routes de sang...

L’élevage industriel, l’extrême rationalisation économique de la production de viande pour les populations du monde, provoque l’absurde ballet des camions, des bateaux conçus ou convertis en bétaillères. Les animaux— ­poulets, veaux, chevreaux, porcs — peuvent naître dans un endroit, être engraissés dans un autre pays, être abattus encore ailleurs, et ainsi parcourir des milliers de kilomètres dans des conditions matérielles ­dramatiques. 

Quand ça se passe très loin — en dehors de l’Europe — il n’y a guère de règles, et quand il y en a, comme ici au sein de l’UE, elles sont souvent peu et mal respectées. C’est ce que s’attachent à montrer les permanentEs et bénévoles de grandes associations telles que EonA (Eyes on Animal), Robin des bois, L214, ou encore EFI (Ethical Farmer Ireland).

Pour ce faire, sont montées des opérations de traçage impliquant des associations de plusieurs pays, qui permettent de documenter via un déploiement de matériel photo et vidéo les déplacements des bétaillères au travers de l’Europe, de l’Irlande à la Turquie, de vérifier les temps de route qui doivent donner lieu à des pauses, le nourrissage des animaux et leur abreuvement. Les manquements constatés sont signalés aux autorités européennes... Ce n’est pas de tout repos, ni sans risques d’accrochages avec des éleveurs, des chauffeurs, des marchands, la police.

Petits contes macabres...

L’ouvrage est un récit à la première personne (du singulier comme du pluriel) d’une journaliste qui s’implique sur son terrain, et n’hésite pas à se mouiller. Elle nous donne à voir le combat contre des formes ordinaires de la barbarie engendrée par la recherche du profit maximum, sans manichéisme, sans ­jugement, sans moralisme... 

Par contre, son écrit dit à quel point elle est touchée par la détresse et la souffrance des animaux concernés par ce marché morbide. Elle l’exprime au travers d’un artifice narratif, ponctuant son récit de « petits contes macabres » inspirés de faits réels documentés par les associations qui mettent en mots humains des expériences au cours desquelles des animaux non humains ont été confrontés à l’indifférence, à la brutalité, à la violence d’animaux inhumains ! Pour finir sur une note positive, le dernier conte est tout de même une « petite histoire d’espoir ».

Vincent Gibelin