Au Centre Pompidou, du 28 mars au 16 juillet 2018. Tarif : 14 euros, réduit 11 euros.
L’année 2018 marque le centième anniversaire de la nomination de Marc Chagall au poste de commissaire des beaux-arts de la ville de Vitebsk (Biélorussie).
Chagall, artiste juif vivant à Petrograd, connaîtra une période d’euphorie quand, au lendemain de la Révolution russe, une loi interdisant toute discrimination nationale et religieuse lui permettra d’obtenir le statut de citoyen russe. Il aura l’idée de créer une école d’art révolutionnaire ouverte à touTEs et gratuite. Le projet sera validé par le pouvoir bolchevik.
Chagall va consacrer toute son énergie à faire que l’école fonctionne.
L’exposition rappelle que cette école a fait coexister deux courants très différents :– les réalisations de Chagall : figuratives, poétiques, imaginatives ;– le courant abstrait introduit par El Lissitzky puis par Kasimir Malévitch, fondateur du « suprématisme ». Ils créeront un groupe baptisé Ounovis (les Affirmateurs du nouveau en art).
Une école, trois artistes majeurs
Les œuvres exposées suivent la chronologie de l’école : – les œuvres de Chagall au début de l’existence de l’école ;– les œuvres des artistes connus dont il sollicitera la collaboration : Vera Ermolaeva, Iouri Pen, David Lakerson entre autres et surtout El Lissitzky qui insistera pour faire venir Kasimir Malévitch, chef de file des mouvements abstraits ;– une salle consacrée aux trois artistes majeurs : Chagall et son ensemble « art de gauche » dans lequel il fait état de ses réactions face au bloc abstrait de plus en plus dominant dans l’école, à propos duquel il fait preuve d’humour, voire de moquerie mais qu’il ne rejette pas totalement et duquel, parfois, il s’inspire ; Malévitch et El Lissitzky, avec des œuvres abstraites, sans aucun objet, avec l’ensemble des « prouns » d’El Lissitzky (projets d’affirmation du nouveau en art) et les projets d’espace urbain de Malévitch (décors de façade avec formes géométriques…) ;– la collection constituée par Chagall pour le musée d’art contemporain qu’il voulait ouvrir et qui ne verra jamais le jour.
Cette exposition apporte un éclairage sur la façon dont le nouveau régime concevait l’esthétique dans la nouvelle société. Les formes géométriques en peinture, les cubes en architecture étaient omniprésents dans les rues et les bâtiments.
Chagall, de plus en plus « boudé » par ses élèves, quittera Vitebsk en 1920 pour se consacrer au théâtre juif. Il intégrera avec humour dans ses toiles des formes suprématistes pour se venger de son expérience de Vitebsk. Malévitch regagnera Petrograd en 1922 et réalisera son projet d’architecture suprématiste (les cinq maquettes sont dans l’exposition). Lissitzky s’établit à Berlin en 1921, et participera notamment de la Grande exposition de Berlin, en 1923, où il installera ses « prouns ».
Sylvie Tridon