Publié le Mercredi 17 février 2016 à 09h54.

Cinéma : La Marcheuse

De Naël Marandin, avec Qiu Lan, Yannick Choirat et Louise Chen. Sortie le mercredi 3 février 2016. 

Lin Aiyu est mère célibataire. Lin Aiyu est sans papiers. Lin Aiyu est une travailleuse du sexe de Belleville. Sa vie est partagée entre les soins à apporter au vieil homme grabataire qui la loge, les passes avec des clients peu respectueux, et les moments de tendresse avec sa fille au seuil de la révolte adolescente. Cet équilibre instable est bouleversé quand un voisin entre de force dans l’appartement pour se cacher de malfrats qui le poursuivent, et décide de rester. La relation qui s’instaure entre les deux femmes et cet intrus défie tous les stéréotypes du genre et de la relation amoureuse. Les rebondissements de la situation font aussi ressortir l’entraide et la camaraderie de femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour échapper à la police et à la pègre, et vivre leur vie comme elles l’entendent.

Ce premier long-métrage de Naël Marandin, qui signe aussi les débuts de l’actrice principale, Qiu Lan, met une narration sobre et une esthétique réaliste au service d’émotions authentiques. On est bouleversé par l’émergence du sentiment amoureux là où on l’attend le moins, par l’irruption aussi de la misère affective et sexuelle qui gangrène la société capitaliste. On est révolté par le comportement prédateur des hommes qui usent et abusent de leurs privilèges masculins. On est impressionné par la solidarité qui relie les travailleuses du sexe de Belleville face au sexisme, au racisme et à l’exploitation.

Le film a été conçu en lien notamment avec les Roses d’acier, syndicat des travailleuses du sexe de Belleville. Sans mettre en scène de grandes luttes collectives, c’est un film militant, résultant d’une expérience de terrain dans un secteur trop peu connu des classes populaires, et qui articule de manière fine les problématiques de genre, de race et de classe. Il faut donc sauter sur l’occasion de le voir partout où il est sorti en salles, et ne pas hésiter à organiser des projections-débats afin de le faire connaître.

Victor Muller