Un film réalisé par la cinéaste palestinienne Annemarie Jacir, sortie nationale le 14 février.
C’est le troisième long métrage d’Annemarie Jacir après le Sel de la mer en 2008 et When I saw you en 2012, centrés sur la Palestine, l’exil et la question du droit au retour des exiléEs.
PalestinienEs en Israël
Le film se passe à Nazareth, ville palestinienne du nord de l’État d’Israël. Un père, divorcé de sa femme qui est partie avec un autre aux États-Unis, est resté seul pour éduquer ses deux enfants. L’aîné, le garçon, est parti vivre à l’étranger, en Italie, à la fois pour raison de sécurité mais aussi pour se construire un avenir professionnel en tant qu’architecte. La cadette est restée avec son père à Nazareth. Elle va se marier et, dans la tradition palestinienne, le père doit inviter les amiEs de la famille. Et il doit le faire en donnant, de la main à la main, l’invitation. Il fait donc la tournée des invitéEs pour leur donner l’enveloppe – l’invitation au mariage – dans la tradition du « Wajib ». Il le fait dans une Volvo conduite par son fils qui est revenu pour quelques jours afin de participer aux préparatifs de la cérémonie.
L’occasion de porter un regard multifacettes sur la population de Nazareth, qui vit à l’intérieur d’Israël, qui subit les discriminations, qui fait des compromis, qui se révolte. On passe ainsi d’une maison à une autre, d’une famille à une autre, chaque visite étant séparée par une séquence dans la voiture, véritable huis clos entre le père et le fils, un père qui vit ici, qui à la fois résiste et à la fois compose parce qu’il n’a pas le choix, et un fils qui est parti depuis longtemps et qui revient avec ses principes et ses colères. Le père est joué par Mohammad Bakri, très grand acteur, réalisateur palestinien, et par son propre fils, Saleh Bakri, ce qui donne de la densité à leur confrontation.
Le colonialisme israélien est toujours au second plan, dans le décor entre les visites et les déplacements en voiture, avec des soldats dans un café, une colonie évoquée dans les conversations. C’est un film attachant, émouvant, sensible, drôle aussi, juste fait de relations de famille, de voisinage, de petites choses du quotidien, inscrites pourtant dans la résistance au colonialisme. À ne pas manquer.
Jean-Marc Bourquin