Éditions Rue de l’Échiquier, 112 pages, 12 euros.
Céline Piques propose un titre qui semblera provocateur à certains : oui, il y a un problème de virilité dans notre société. Elle égrène des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : « En France, 96 % de la population carcérale est masculine. Les hommes sont responsables de 99 % des viols, de 97 % des violences sexuelles, mais aussi de 95 % des vols de véhicules, de 99 % des incendies volontaires ou encore de 89,5 % des destructions et dégradations ». Tout l’intérêt de son propos est de ne pas se cantonner à une dénonciation de la masculinité toxique, mais de la placer dans une réflexion politique : l’autrice se présente en tant que « féministe matérialiste » et réfléchit à ce qui pourra déconstruire cette construction genrée de la violence.
Pour une « politique réellement de gauche et féministe »
Bien sûr, elle revient sur l’éducation des garçons, acculturés à la violence. Mais sa réflexion se poursuit sur la culture du viol, la spécificité de la pédocriminalité, la violence véhiculée en toute impunité par la pornographie, les inégalités économiques qui participent à l’écrasement des femmes. Elle inscrit la prostitution dans le continuum des violences sexistes et l’appropriation patriarcale du corps des femmes par les hommes.
C’est donc tout un système, le patriarcat, qu’elle analyse, en s’appuyant sur des faits et des données chiffrées. Son propos se nourrit aussi de nombreuses citations de penseuses féministes, comme Andrea Dworkin, Françoise Héritier, Christine Delphy ou Gisèle Halimi, citations qui donnent envie d’ouvrir ensuite bien d’autres livres.
À la question de savoir comment transformer cette société ultraviolente, en particulier pour les femmes et les enfants, Céline Piques ne répond pas par le slogan « révolution prolétarienne » ! Elle accuse d’ailleurs la gauche d’avoir trop souvent traité la cause des femmes en « sujet sociétal secondaire », relégué derrière la grande cause de la lutte des classes ; ce propos fera écho aux récents échanges que nous avons eus lors de notre week-end féministe1.
Ses propositions pour une « politique réellement de gauche et féministe » sont concrètes et éminemment politiques : certaines nous sont familières, comme l’égalité salariale et la revalorisation des métiers du care, ou encore la création d’un véritable service public de la petite enfance ; d’autres concernent des aspects sur lesquels notre courant s’est peu penché comme la politique fiscale, la question du quotient familial ou l’attribution des aides sociales. Elle revendique également une sexualité épanouissante pour touTEs, à l’opposé des violences véhiculées par la pornographie. Ses analyses, en tant qu’ancienne présidente d’Osez le féminisme, ne feront sans doute pas l’unanimité, mais alimenteront les débats qui traversent le milieu militant féministe et notre parti.
L’ouvrage se clôt par l’évocation d’un écoféminisme qui ne soit pas essentialisant, mais absolument politique et émancipateur, avec une longue citation d’Émilie Hache, qui ouvre réflexion et discussions, comme l’ensemble du livre.
- 1. Lire le compte rendu de ce week-end dans l’Anticapitaliste n° 616.