Publié le Mardi 12 février 2013 à 11h50.

Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Luc Boltanski

Essai : Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtesLuc Boltanski, Gallimard « nrf essais », 2012, 23,90 eurosCertainement connu des lecteurs et lectrices de Tout est à nous ! pour ses interventions devant la Société Louise-Michel et l’université du NPA (celle de 2011, « Pourquoi ne se révolte-t-on pas, pourquoi se révolte-t-on ? » a été publiée dans le n°15 de Contretemps), Luc Boltanski l’est sans doute aussi pour l’intérêt de ses ouvrages, notamment De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation (2009), au titre sans équivoque. On se sentira certainement étonné ou pris « à rebrousse-poil » à la lecture de son nouveau livre consacré aux fictions policières et au roman d’espionnage dans leurs ressorts élémentaires, leurs rapports avec le délire « paranoïaque » et leurs liens avec l’enquête sociologique. Luc Boltanski montre tout ce que ces genres romanesques doivent à l’État moderne, dans son histoire comme dans sa logique, jusqu’à formuler sa « métaphysique politique » fondée sur le soupçon généralisé. « Le détective, c’est l’État en état d’exception ordinaire. » Il est dans « la structure du roman policier d’introduire, par le truchement d’une énigme, un doute sur la stabilité et la cohérence de la réalité, puis de l’apaiser en faisant intervenir l’État. » « Ce que le roman d’espionnage veut nous dire, son ressort principal, c’est que l’État est toujours en guerre, toujours menacé. » « Dans le roman d’espionnage peut-être plus encore que dans le roman policier, une attitude mentale dans laquelle on pourrait facilement reconnaître, dans des conditions normales, l’indice d’une personnalité dite paranoïaque s’avère bien fondée. » « C’est le fait de voir la réalité échapper aux efforts de l’État pour la connaître et la stabiliser qui suscite l’inquiétude et l’excitation dont se nourrissent le roman policier et le roman d’espionnage. » Ne voit-on pas en effet ces lectures de divertissement appeler souvent les plus graves soupçons ?Gilles Bounoure