Éditions Divergences, 160 pages, 16 euros
Le « réarmement » est dans tous les discours, l’économie de guerre est imposée à coups d’austérité (…) l’anéantissement de Gaza se poursuit, le fond de l’air est kaki et les accents martiaux contaminent l’espace médiatique. (Présentation de l’éditeur)
Pierre Douillard-Lefèvre se livre ici à un inventaire des désastres politiques liés au militarisme dans la société capitaliste du 21e siècle. Les liens entre l’industrie de l’armement et le personnel politique, en France, sont connus, documentés, et ne datent pas d’hier. Le mérite du livre est d’en faire une présentation actualisée. En outre, les liens entre les intérêts des capitalistes de l’armement, la présence militaire de la France dans le monde, l’actualité néocoloniale de la « cinquième puissance du monde » sont mis en évidence et offrent un continuum frappant avec les politiques coloniales de l’État français.
Des politiques internationales et intérieures largement empreintes de racisme et de sexisme apparaissent alors comme un héritage naturel de ces périodes sombres, qui ont vu des militaires suprémacistes pratiquer la torture, les rafles, les exécutions sommaires, toujours couverts par le personnel politique des républiques successives de ce pays, jusques et y compris la Cinquième.
Cette dernière n’est-elle pas issue d’un « coup d’État permanent », visant à donner des pouvoirs étendus à des militaires — présentés comme démocrates — pour leur permettre de prendre le dessus sur d’autres militaires — réellement factieux ceux-là ? L’inscription dans la loi ordinaire de mesures d’exception liées aux états d’urgence, toujours d’essence militaire, coule donc de source, et la militarisation de l’État, de ses lois et de ses dispositifs de maintien de l’ordre (les manifestantEs de Sainte-Soline dans le viseur) ouvre la voie à l’extrême droitisation de la société.
Pierre Douillard-Lefèvre énonce donc l’hypothèse selon laquelle il faudrait, pour enrayer la montée de l’extrême droite en France et dans le monde, dénoncer la militarisation ambiante et s’y opposer concrètement, renouant pour cela avec le meilleur des traditions antimilitaristes du mouvement ouvrier, notamment de ses composantes anarchistes et libertaires. Il ne s’agit pas pour lui d’un pacifisme abstrait, mais d’un combat de classe qui ne s’interdirait pas de recourir à certaines formes de violence de masse. Un texte globalement plutôt convaincant, basé sur des démonstrations bien menées, malgré un discours presque abstentionniste sur l’Ukraine.
Claude Moro