Fabrice Flipo, Michelle Dobré, Marion Michot, éditions l’Échappée, 2013, 12 euros.
En 1993 existaient 130 sites en « http». Quatre ans plus tard, on en dénombrait plus d’un million. Avec l’arrivée des mobiles connectés à internet, le flux d’information croît constamment. Cette apparente dématérialisation des échanges possède un envers occulté : son impact écologique. C’est cette face cachée du numérique que ce livre met en avant.
Avec de multiples études, dont les conclusions ne sont pas définitives puisque peu nombreuses et établies sur des travaux récents, ce livre démystifie les TIC (technologies de l’information et de la communication). Ces innovations résoudraient les problèmes écologiques puisqu’elles organiseraient l’information et favoriseraient la néguentropie, remède à l’entropie (1). « Le salut de la planète, la cohésion sociale et la reprise de la croissance sous une nouvelle forme semblent passer par la réussite et la vitesse de cette révolution. »Mais ces études montrent l’impact non négligeable du numérique sur la biosphère (équivalent à 2 % des émissions mondiales de CO2, soit celui de l’aviation en 2008). C’est ainsi que débutent les controverses entre partisans des TIC et défenseurs d’une vision écologique globale. Cet ouvrage salutaire semble prouver que les TIC ne pourront rendre le service écologique qu’espèrent certains scientistes :« Les TIC, développées pour produire de la consommation et de la croissance dans une société en quête de croissance, vont (…) servir le but pour lequel elles ont été conçues. Leur contribution écologique ne sera (…) [pas] compensée par « l’effet rebond », puisque la quantité croissante de biens consommés fera plus que compenser les réductions unitaires de consommation des ressources naturelles. »
Pour un socialisme écologique conséquentQue l'on soit ou pas favorable à l’objection de croissance, les questions posées ici sont pertinentes et l’éclairage donné sur la question de la responsabilité des divers acteurs sur l’impact écologique des TIC plus que nécessaire.Ce livre évoque l’écologie des infrastructures numériques et l’emprise des NTIC (nouvelles TIC) dans les domaines de l’énergie, des matières et des substances toxiques à toutes les étapes des cycles de vie. Sans même parler de l’empreinte due à l’extractivisme, les datacenters représentent déjà 1,5 % de la consommation mondiale d’énergie ! Et sans oublier la question des matières toxiques, des terres rares et des déchets difficilement recyclables et en croissance constante.Mais le côté le plus salutaire de l’ouvrage est de montrer les mirages de la dématérialisation, car c’est en grande partie sur l’idée que les TIC permettraient d’optimiser la production de nos sociétés et réduiraient notre empreinte écologique que ceux-ci sont encouragés. Le présupposé que l’intérêt économique des firmes et l’intérêt écologique iraient de pair est nettement battu en brèche, car force est de constater qu’au niveau des déchets, des économies d’énergie et de l’évolution des labels, le compte n’y est pas… pour l’écologie !La question de l’empreinte écologique des TIC doit intéresser tout socialisme écologique conséquent. Nous devons répliquer en portant notre réflexion aussi bien sur le médium et ses supports matériels que sur le message.
Fred 93
1 – Tendance spontanée des sociétés humaines à la désorganisation selon la bioéconomie.