Publié le Jeudi 17 novembre 2016 à 23h50.

Essai : Revenu de base

Éditions Yves Michel, 2016, deux volumes de 11 et 15 euros. 

Le revenu de base, un outil d’émancipation sociale ? La lecture des deux volumes publiés par le Mouvement français pour le revenu de base (MFRB)1. Mais d’autres pistes avancées, comme le financement du revenu de base par la TVA, impôt socialement le plus injuste, sont, elles, particulièrement inadmissibles...

Enfin, les déclarations du MFRB selon lesquelles le revenu de base ne se substituerait pas à la protection sociale existante, mais la compléterait, sont contredites au chapitre 7. Par exemple, il y est préconisé un nivellement par le bas des régimes de retraites obligatoires (T2 p. 111)...

Une lecture nécessaire pour ­participer à un débat d’actualité.

J.C. Delavigne

  • 1. Le Mouvement français pour le revenu de base est une association « transpartisane » créée en mars 2013, « qui se donne pour mission de promouvoir le revenu de base dans le débat public, jusqu’à son instauration ». Site : http ://www.revenudebase.info[/fn], permet de prendre connaissance, sous une forme synthétique et pédagogique de l’argumentation d’un des principaux courants parmi les défenseurs du revenu inconditionnel.

    Selon le MFRB, les mutations en cours (« révolution numérique », utilisation généralisée des robots...), sont inévitables et porteuses de progrès. Elles s’accompagnent, néanmoins, de « destructions créatrices » faisant des gagnants et des perdants. D’un côté, suppression de dizaines de milliers d’emplois, généralisation des formes d’emplois les plus précaires ; de l’autre, explosion des profits des grands monopoles liés à internet, ceux d’autres secteurs industriels, et des très hauts salaires.

    Cette situation n’est pas considérée par les auteurs comme liée à un mode de production historiquement défini (le capitalisme) : « toute la question [pour eux] est de savoir si cette destruction créatrice sera porteuse ou non de progrès social » (T1 p. 19).

    Le partage du travail entre touTEs par la réduction massive du temps de travail n’est pas évoqué. Une seule option s’impose : l’attribution d’un revenu (minimum) déconnecté de l’emploi. Ce revenu de base aurait deux autres fonctions. Il permettrait d’atténuer les inégalités de revenus et donnerait à chacunE « l’autonomie » nécessaire pour choisir son travail, ses conditions de travail, les buts de ce travail.

    L’argumentation laisse sceptique. Un revenu de base minimum assurant la « sécurité » justifiera une « flexibilité » maximum. Les employeurs ne profiteront-ils pas de l’aubaine pour baisser encore les salaires et généraliser les emplois à durée déterminée et à temps partiel contraint ou avoir recours à des « travailleurs indépendants » ?

    Quant à l’argument de « l’autonomie », il est encore plus déconcertant : on voit mal comment le refus individuel de travailler dans certains emplois suffirait à contraindre ceux qui détiennent les moyens de production à modifier les conditions de travail et la finalité de celui-ci. La seule pression efficace qui puisse s’exercer sur eux n’est-elle pas plutôt celle des producteurs dans l’emploi par leurs luttes et leurs mobilisations ?

    Corriger les « abus » ?

    L’absence de toute référence à une société de classes se retrouve dans les différentes hypothèses de financement préconisées. Ainsi, pour les auteurs, il ne s’agit pas de modifier la répartition entre salaires (travail rémunéré) et profits (travail gratuit), en augmentant la part salariale (salaires et cotisations sociales finançant les retraites, la maladie, le chômage...). Une seule piste de financement du revenu universel est donc envisagée : la fiscalité.

    Dans le meilleur des cas, les propositions consistent à corriger les « abus » : les « rentes de monopoles » des grandes entreprises du numérique, la rente immobilière, ou les comportements peu respectueux de l’environnement (taxe verte).

    Le financement par l’impôt sur le revenu vise également à une certaine redistribution des richesses entre hauts et bas revenusContrairement aux versions les plus libérales avancées par d’autres partisans du revenu universel (comme la taxe uniforme à 20 % préconisée par Nathalie Kosciusko-Morizet...).