Publié le Jeudi 8 septembre 2016 à 11h09.

Exarcheai. L’Orange amère

Scénario de Nicolas Wouters et dessin de Dimitrios Mastoros Futuropolis, 2016, 24 euros. 

Considéré comme un haut-lieu des idées anarchistes, c’est dans le quartier d’Athènes d’Exarcheia qu’ont commencé les émeutes en Grèce de décembre 2008, après la mort d’un adolescent tué par balle par un agent de police dans le quartier. C’est également là que bien plus tôt a débuté le soulèvement contre la dictature des colonels, en novembre 1973. C’est donc ce quartier touché de plein fouet par la crise, qui donne son nom à cette BD pour laquelle le dessinateur qui y a grandit exprime tout son talent.

Nous y suivons les pas de Nikos, étudiant de retour dans le quartier de son enfance pour y retrouver son oncle et sa tante qui tiennent un bistro. Ses rencontres et pérégrinations sont prétexte à une peinture sociale du quartier. D’abord, les effets terribles de la crise et de la cure d’austérité, avec des services publics tout aussi mal en point (la présentation des urgences de l’hôpital est édifiante) que certains de ses habitants (en particulier ceux rongés par la drogue). Puis la pression d’une situation politique assez dépressive, avec l’ombre des néo-nazis d’Aube dorée qui plane sur le quartier et la figure des boucliers menaçant des « forces de l’ordre » grecques qui font des descentes. Enfin, un peu d’espoir, avec la mobilisation des habitantEs du quartier qui ont pris possession d’un ancien parking transformé en parc. Et la résistance, toujours, à l’air du temps et à ses conséquences...

Si le récit, qui prend quelques chemins de traverse, peut quelquefois dérouter, le dessin, de toute beauté, porte véritablement l’histoire, une narration laissant la place à de nombreuses pages muettes ou quasi muettes. Première œuvre de son jeune dessinateur de 27 ans qui a dû y mettre de ses souvenirs de jeunesse, cette BD donne un coup de canif dans la grisaille quotidienne de la crise sociale et économique qui traverse le pays depuis plusieurs années. Comme le dit la conclusion, « ça se rafraîchit »... mais le pire n’est jamais sûr.

Manu Bichindaritz