Publié le Dimanche 15 mai 2011 à 21h55.

Expo. Comme une image de la Commune

Jusqu’au 28 mai, la Ville de Paris présente à l’Hôtel de Ville une exposition en accès libre, « La Commune. 1871, Paris capitale insurgée », avec des images authentiques et instructives, mais inaptes à restituer l’enthousiasme révolutionnaire d’il y a 140 ans. La Commune de Paris, révolution sans images ? L’historien Bertrand Tillier l’a montré dans un livre ainsi intitulé (Champvallon, 2004), ni la brièveté de cette révolution, ni l’état de pénurie et d’isolement où la maintenaient conjointement Versaillais et Prussiens, ni même l’interdiction très tardive (en mai !) de quelques titres de la presse d’obédience versaillaise n’y empêchèrent la floraison de journaux, de libelles et d’affiches de toutes sortes et généralement du genre débridé, avec des textes souvent surpassés par leurs illustrations. L’urgence des événements, la force des émotions à exprimer et les moyens techniques les plus faciles à mettre en œuvre firent privilégier le dessin gravé ou lithographié, pour des caricatures que les commentateurs réactionnaires jugèrent « manquer aux lois les plus élémentaires de la convenance et de la dignité », concluant que de ces « honteuses débauches » et « malpropres élucubrations » volontiers obscènes et scatologiques, « il n’en est point une seule qui mérite d’être conservée ». Les cinq salles de l’Hôtel de Ville évoquant successivement « Paris combattant et humilié », « Paris libre : la capitale se soulève et élit sa Commune », les « dirigeants et partisans de la Commune », l’édification des barricades, « la Semaine sanglante : Paris à feu et à sang », les « arrestations, condamnations, déportations : Paris réprimé » puis « Paris en ruines : effacer les traces du passé » offrent des documents souvent émouvants mais pour la plupart connus et sans surprise. Dans ces proclamations officielles, photographies ou gravures de presse, l’exposition fait une juste place aux « actes de destruction symbolique » comme celles de la colonne Vendôme ou de la luxueuse résidence de Thiers place Saint-Georges. Elle n’omet pas non plus « le massacre de près de 20 000 Parisiens » par les troupes versaillaises, dont elle montre l’une des représentations les plus frappantes, qui est aussi l’une des rares œuvres politiques de Manet, la terrible lithographie Guerre civile. « Les photographies des ruines des monuments et des immeubles détruits pendant les combats de la Semaine sanglante constituent le plus important ensemble iconographique relatif à la Commune et le plus diffusé » par les tenants du « parti de l’Ordre » victorieux, précise à juste titre le commissaire de l’exposition, directeur de la bibliothèque de l’Hôtel de Ville, qui disposait néanmoins d’autres ressources restituant vraiment l’esprit de la Commune. Celui de Mai 68, qui prétendrait l’évoquer uniquement à travers les photos de Paris-Match et les reportages de l’ORTF et sans les affiches, slogans et prises de parole des « enragés » ? Aucune des expositions plus réduites organisées simultanément dans plusieurs mairies d’arrondissement n’est signalée aux visiteurs des salons de l’Hôtel de Ville, qui ressortent souvent de cette présentation prudente et compassée avec l’idée que décidément, ce n’est pas l’actuel Conseil de Paris qui votera le « déboulonnage » (selon le mot de Courbet) de la colonne Vendôme, comme avait su le faire la Commune le 12 avril 1871.

Gilles Bounoure