Au musée de la bande dessinée à Angoulême, jusqu’au 26 octobre 2014.
Après « Spirou, un héros dynamique » l’été dernier, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image consacre l’été 2014 à un moment-clef de l’histoire de la bande dessinée francophone : la saga des magazines Métal Hurlant et À Suivre.Ce n’est pas à proprement parler une création puisque cette exposition a déjà été montrée à Landerneau à la fin 2013 sous le patronage de Leclerc (le géant de la distribution). L’exposition d’Angoulême est plus modeste quant à sa superficie mais plus resserrée sur son sujet comme dans son parcours.Créé en 1975 par Jean-Pierre Dionnet, Jean « Moebius » Giraud et Philippe Druillet, Métal Hurlant a un contenu science-fiction et fantastique. C’est un délire graphique, une explosion visuelle et un chaos perpétuel. Philippe Druillet y éclate littéralement le cadre de la case tandis que Moebius y invente des histoires graphiquement époustouflantes. Secondé par Philippe Manœuvre, Dionnet accueillera dans ses colonnes toutes les pointures de l’époque : Bilal, Schuiten, Gillon, Corben, Sire, Loustal, Tardi, Montellier, etc. Chacune des couvertures sera réalisée par des illustrateurs hors-pair. Le concept sera repris par les américains sous le nom d’Heavy Metal. L’aventure de Métal Hurlant se terminera en 1987.À Suivre naît un peu plus tard, en 1978, avec un parti pris tout différent : faire du roman dessiné, c’est-à-dire des histoires superbement dessinées au service d’un récit fort et bien construit. Le parti pris du noir et blanc, c’est aussi celui du dessin pur sans artifices. Sous la conduite de J.P. Mougin, À Suivre accueillera la « crème » des auteurs : Forest, Tardi, Peeters, Schuiten, Sampayo et Munoz, Pratt, Manara, Sokal, Comes, Loustal, Juillard, Lob et Rochette (avec le fameux Transperceneige dont nous avons parlé dans ces colonnes). À Suivre cessera de paraître en 1997.
Conjointes et concurrentesOn remarquera que certains auteurs produisirent pour les deux magazines. C’est bien normal car ceux-ci étaient complémentaires, et c’est le même illustrateur, Étienne Robial, qui créa l’identité graphique de ces deux magazines.C’est donc une histoire conjointe et concurrente que nous montre l’exposition d’Angoulême, par une scénographie astucieuse qui permet de suivre respectivement l’histoire de chacun des magazines ou de passer librement de l’un à l’autre par le biais d’une chronologie reconstituée. En fait, nous conseillerons de la visiter deux fois. La première en suivant l’histoire, magazine par magazine, et la deuxième en sautant d’un magazine à l’autre, avec le plaisir de retrouver le même dessinateur dans un registre tout différent (Tardi par exemple) ou de constater les incursions d’À Suivre dans le monde de Métal Hurlant... et vice-versa. Passionnant !Deux salles de projection et un espace de lecture ponctuent le parcours et achèveront de vous convaincre que la bande dessinée produite en France et en Belgique n’est pas pour rien la plus réputée au monde et que son influence s’est étendue au cinéma et aux arts en général.
Sylvain Chardon