Publié le Mercredi 23 février 2022 à 14h51.

Exterminez toutes ces brutes, de Raoul Peck

Série documentaire, en ligne sur Arte.tv. Disponible jusqu’au 31 mai 2022.

En quatre épisodes d’un peu moins d’une heure, Raoul Peck nous offre un propos singulier sur les soubassements (un impensé ?) de la culture politique et sociale des sociétés capitalistes occidentales.

Au cœur des ténèbres

Raoul Peck mentionne plusieurs fois Sven Lindqvist, auteur d’un livre portant le même titre que sa série, qui lui-même l’a emprunté à l’un des personnages du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. C’est une façon pour lui d’indiquer l’origine de son travail, sa filiation, du côté de l’interprétation des ravages coloniaux « au nom de la civilisation ». Mais son œuvre est très personnelle et, comme pour lui donner force, il décide d’y faire paraître des images de la famille Peck, tournées avec une caméra amateur, de celles qui confèrent authenticité et ancrage au propos. C’est un peu comme si le petit Raoul revenait de son enfance pour nous raconter cette dramatique histoire...

Un sinistre baptême

Mais ne s’agit pas d’histoire. Raoul Peck nous invite plutôt à un chemin de réflexion, certes appuyé sur l’histoire, mais émaillé de scènes de fiction – d’ailleurs plus ou moins convaincantes, parfois presque gênantes – où des personnages réinterprètent des scènes qui ont pu être vécues, ou qui l’ont été. La véritable structure du film – de la série – est en fait le discours du narrateur, Raoul Peck lui-même. Il évoque, il montre, il démontre, et donne un point de vue : en quoi et comment tout a commencé, du monde que nous vivons aujourd’hui, par le commerce négrier, la conquête du « nouveau continent » – satané Christophe Colomb ! – le massacre des AmérindienEs, le mythe de la terre sans peuple pour un peuple sans terre.

L’impérialisme en armes

Ainsi, le capitalisme, dans son avènement, au plus profond, est-il entaché des pires crimes barbares qui déterminent encore de nos jours la société et ce système lui-même. Car c’est en armes, toujours, des armes de plus en plus puissantes, de plus en plus destructrices – Hiroshima, Nagasaki – de plus en plus aveugles – Tuer à distance ! – que le capitalisme s’est constitué en impérialisme planétaire. Il porte en lui, tels des marqueurs indélébiles, le génocide, des « Indiens d’Amérique » à la Shoah, le colonialisme, ses pillages et ses ravages. Le tout est décrit comme l’œuvre des hommes blancs venus d’Europe pour s’enrichir.

C’est dit, par l’auteur, à sa manière, et des fois ça gratte un peu, mais c’est dit. Cela risque de provoquer des discussions (n’est-ce pas le but d’une œuvre de ce type ?), c’est déjà le cas dans nos cercles militants...