Jusqu’au 12 février 2017 au Musée du Luxembourg (Paris)
Une belle exposition, l’occasion de (re ?)-découvrir Henri Fantin-Latour (1836-1904), peintre discret qui, s’il fréquente tous les peintres impressionnistes, reste volontairement à l’écart des mouvements de l’époque, à l’instar d’Édouard Manet qu’il admire beaucoup. Plus proche de la réalité tel Gustave Courbet dont il fréquente un temps l’atelier, il est néanmoins loin d’être classique comme le montre cette rétrospective.
Ses amis le peintre Whistler et le marchand d’art anglais Edwards contribuent à ses débuts à asseoir sa réputation outre-Manche principalement avec ses natures mortes à la Chardin, bouquets de roses anglaises d’un extrême raffinement. Plus que des peintures alimentaires, ces bouquets à la composition souvent audacieuse sont peints comme ses portraits, sans ostentation, fragiles et sensibles.
Il revient à Paris où il côtoie les artistes en pointe de la modernité et en réalise des portraits de groupe restés célèbres : les poètes avec Verlaine et le rare portrait de Rimbaud à l’écart sur Un coin de table, les musiciens (sa seconde passion) avec Chabrier au piano, et bien sûr les peintres avec en exergue Whistler, son ami, et Manet, sa référence. Plus qu’un reflet mondain, c’est aussi l’exacerbation des tensions entre individualité et appartenance au groupe, le drame qui le tarauda toute sa vie.
C’est aussi dans l’Atelier des Batignolles que l’on voit debout le grand Frédéric Bazille qui sera fauché à 28 ans par la guerre de 1870 quelques mois plus tard, peintre prometteur, exposé au musée Fabre à Montpellier cet été et bientôt à Paris en novembre.
Mais c’est dans ses portraits que Fantin-Latour est le plus novateur : autoportraits enlevés du début ou portraits de membres de sa famille et d’amis. L’art de Fantin-Latour se révèle dans la distance que l’artiste prend par rapport au modèle : il peint non pas sa femme ou sa belle sœur mais une posture singulière, une expression, une attitude, souvent empruntes de rêverie, de nostalgie, de retenue, des regards, qui fuient ou qui s’évitent. Parfois une étrange incommunicabilité entre deux personnages renfermés dans leur solitude. Les compositions décalées, les focalisations inversées, ajoutent à l’étrangeté, au trouble qui émanent de ces portraits.
Puis l’Hommage à Berlioz fait une transition tardive avec une peinture plus onirique et imaginative où il se lâche, « je me fais plaisir », avec une peinture vaporeuse telle la Rêveuse évoquant Odilon Redon, parachevant ainsi un parcours subtil du romantisme au symbolisme.
Ugo Clerico