Publié le Jeudi 20 novembre 2025 à 14h00.

Islande, Un jour sans femmes, de Pamela Hogan et Hrafnhildur Gunnarsdóttir

Documentaire, 2005, 64 min, disponible sur arte.tv jusqu’au 13/01/2026

En 1975, lors d’un congrès des organisations de femmes islandaises — initiative du gouvernement à l’occasion de « l’Année internationale de la femme » décidée par l’ONU — les activistes islandaises réussissent à faire émerger la proposition d’une journée de grève des femmes… Si on s’arrête, tout s’arrête ! Et c’est ce qui va se passer. Le 24 octobre 1975, on estime à 90 % le taux de participation à cette fameuse « journée libre » des femmes.

Les crèches ferment, ainsi que les écoles, quasiment toutes les usines de poisson ; les banques fonctionnent avec leurs patrons à la caisse ; les avions sont cloués au sol faute d’hôtesses de l’air ! Les hommes doivent s’occuper de leurs enfants, au travail ou à la maison, leur faire à manger — on annonça même la rupture des stocks de saucisses ! Les entreprises se dotent de matériel de coloriage pour improviser des garderies…

Le documentaire de Pamela Hogan et Hrafnhildur Gunnarsdóttir, construit en alternant de nombreux témoignages d’actrices de la lutte et des images d’archives — dans lesquelles la plupart d’entre elles apparaissent — est un concentré de pure joie : avoir participé à cette journée a été l’affaire de leur vie, et on les comprend ! C’est aussi un moment de jubilation politique : les féministes à la manœuvre ont agi de manière exemplaire, obtenant une grève unanime en acceptant des concessions de pure forme.

À la base de ce cocktail explosif, l’action du groupe Les Chaussettes rouges, qui multiplie les actions spectaculaires depuis le début des années 1970. Elles arrivent à la très officielle assemblée armées de leur détermination, de leur forte cohésion, de leurs idées iconoclastes et de leur sens politique de la négociation ! Elles emportent l’adhésion de toutes les associations féminines en acceptant la formule, plus consensuelle, de « journée libre » des femmes islandaises. L’histoire retiendra la « grève des femmes » !

Cinquante ans après, le bilan permet de parler d’une journée historique, qui a changé en profondeur la place des femmes dans la vie politique de l’Islande, même si les inégalités demeurent. Ce petit pays est celui qui a élu la première femme présidente, Vigdís Finnbogadóttir, dès les années 1980, et qui a le taux le plus élevé au monde de ­parlementaires femmes.
Un documentaire à voir, d’abord pour le plaisir — ce bonheur qui en émane ! — et dont celles et ceux qui militent pour un monde meilleur ne peuvent que s’inspirer…

Claude Moro