Scénario de Sylvain Venarye et Étienne Davodeau. La Découverte, 168 pages, 22 euros.
L’énorme succès de l’Histoire mondiale de la France, dirigée par Patrick Boucheron, a sans doute inspiré à l’historien Sylvain Venayre et à Étienne Davodeau l’idée de lancer, 40 ans après la stimulante Histoire de France en BD de Larousse une nouvelle collection sur ce thème.
Vingt volumes sont prévus, chacun réalisé par un auteur de BD et un historien. Ce premier volume, les Origines, constitue une introduction à la collection et questionne le pseudo « roman national » à travers un subterfuge : Jeanne d’Arc, Molière, Marie Curie, l’historien Jules Michelet et le général républicain Alexandre Dumas (père de l’auteur des Trois Mousquetaires) reviennent à la vie pour interroger l’histoire de France.
Un monde en transformation perpétuelle
Pour ce faire, ils dérobent sur l’île d’Yeu le cercueil du maréchal Pétain, père de la France éternelle, Fille ainée de la très sainte Église. Si le maréchal refuse de sortir de son cercueil, il n’arrête pas de vitupérer tant les propos qu’il entend de la part des autres ressuscités sont en contradiction avec « l’identité nationale ». Jeanne flirtant avec Michelet, il y a de quoi se retourner dans son cercueil.
À travers la France, à bord d’un Renault Trafic, nos héros se rendent sur des lieux historiques ou prétendus tels, et croisent des gens de toutes origines (du réfugié politique au soldat inconnu). Carnac, Calais, Paris, Reims, les bords du Rhin, Solutré, les Alpes, Marseille, Carcassonne, Lascaux et le plateau de Gergovie : le tour de France est presque complet. Si les grottes ornées de Lascaux, la sédentarisation néolithique de Carnac, la civilisation gauloise, les colonies grecques à Marseille, la conquête romaine, le baptême de Clovis ou la révolution de 1789 constituent des origines, les discussions entre les personnages ne tendent pas vers celle d’une France immuable mais vers un monde en transformation perpétuelle. D’ailleurs, de son vivant, Jeanne d’Arc n’a jamais été représentée, et le seul portrait connu du général Dumas gommait sa « négritude ».
La BD, reine de l’image, réfléchit donc cette fois à l’instrumentalisation de l’image à travers les siècles. Une œuvre salutaire mais difficile. La simplicité du dessin, l’art du découpage et le goût du dialogue de Davodeau contribuent à alléger le propos scientifique et à donner du rythme à une histoire de France plus vraisemblable. Donner la parole à cet oublié de la révolution qu’est le général Dumas est aussi un coup très réussi.
Une BD qu’il faudrait mettre entre les mains de tous les amateurs du « discours national ». Ce n’est pas gagné mais l’ouvrage existe !
Sylvain Chardon