Éditions terres de Feu, 2025, 192 pages, 13 euros.
«Un peuple qui résiste ne s’effondre pas. »
La fierté de Gaza emprunte son titre à une chanson de Mohammed Assaf, écrite quelques semaines après le début du génocide. Le livre restitue avec sensibilité et humanité l’histoire et la culture de Gaza.
Un livre contre l’effacement
Après un résumé de l’histoire multimillénaire de Gaza, le livre d’Emmanuel Dror, à l’aide d’anecdotes souvent inédites, vulgarise avec clarté l’histoire contemporaine de l’enclave — marquée par la colonisation, le blocus et l’oppression, mais aussi ponctuée de visites prestigieuses, telles que celles de Che Guevara ou de Malcolm X.
Gaza, surtout peuplée de réfugiéEs de la Nakba, porte également en elle une histoire d’intifada, de révoltes populaires, de résistances, de culture et de solidarité. C’est ici que commence la première intifada en 1987, ici que Yasser Arafat s’installe quand il est autorisé à rentrer en Palestine après les accords d’Oslo en 1994, ici que le premier parlement palestinien voit le jour.
Gaza, c’est une leçon politique sur la question coloniale et un exemple de coexistence religieuse apaisée — même si, en Occident, beaucoup n’ont pris conscience de la présence des chrétienNEs de Gaza qu’au moment de la destruction de leurs églises par l’État colonial israélien.
Un livre contre la déshumanisation
La lecture de La fierté de Gaza éveille une profusion d’images, de sensations et d’émotions : de la magnifique couverture au motif keffieh, jusqu’aux photos et aux œuvres, connues ou moins connues, glissées comme une autre forme de récit, ce livre est beau.
On redécouvre, avec plus de précision, des histoires familières, des chansons que l’on écoute et que l’on fredonne. Au fil des pages surgissent des citations, et même une recette tirée d’un célèbre livre de cuisine palestinienne. La fierté de Gaza met en lumière l’ingéniosité et l’intelligence d’un peuple qui résiste, de mille et une manières.
« Malgré des conditions qui poussent à ne se consacrer qu’à la survie, les PalestinienNEs de Gaza résistent en continuant une vie “ordinaire”. L’ordinaire comme forme d’extraordinaire. La simple réalisation d’activités comme l’art, la culture, la cuisine ou le sport est une forme de résistance et de victoire sur la guerre, la mort, le désespoir, le renoncement… Tout cela fait partie du soumoud. »
Gaza la vivante
On apprend beaucoup sur la foisonnante culture de Gaza : sa musique, son cinéma, son théâtre, son sport, sa littérature, ses deux galeries d’art moderne, la cueillette des olives, ses journalistes qui continuent à écrire, filmer et documenter le génocide. Les notes de bas de page ne sont pas anecdotiques : elles forment une mine d’informations, tout comme la bibliographie, la discographie et la filmographie.
Emmanuel Dror réussit le défi, en plein génocide, d’écrire un livre qui rend hommage au courage, à la créativité des PalestinienNEs, et à leur résistance porteuse d’espoir. Il parvient à témoigner de la centralité de Gaza dans l’histoire palestinienne. Ce livre est non seulement un très bon outil d’éducation populaire, mais il est aussi un témoignage riche et fort sur Gaza la vivante.
Monira Moon