Éditions La Fabrique, 2024, 277 pages, 13 euros.
L’ouvrage de Geneviève Sellier brosse un tableau sans concessions du « cinéma français »... car chacunE sait qu’il existe depuis Malraux (dans les années 1960) une exception culturelle française, et que le cinéma français, celui, comme le répète à plusieurs reprises l’autrice, « que le monde entier nous envie » est unique au monde en ce que la puissance publique lui garantit, via des dispositif de financement et de production, une forme de protection face au marché international.
La Nouvelle Vague comme modèle du cinéma
S’appuyant sur cet écosystème, la genèse au travers de la Nouvelle Vague d’un « cinéma d’auteur » a instauré une forme de normalisation de la production cinématographique autour de cette école et de ses auteurs – tous des hommes –, des sujets traités – les états d’âmes de ces auteurs –, et de la place des femmes dans les œuvres de ces messieurs. Actrices toujours jeunes et jolies, objet du désir des réalisateurs, souvent à l’écran comme à la ville... Au passage, le cinéma « grand public » n’est pas dans ce domaine épargné par l’essai.
Me Too a bousculé les pratiques
Sortir de ce cadre n’est pas facile, même pour des femmes cinéastes, mais les vents de #Me Too ont bousculé les pratiques les plus ancrées, les plus consensuelles, les plus admises par la complaisance ambiante d’un système purement patriarcal, bien que d’art et d’essai... L’autrice termine toutefois ce qui s’apparente à un réquisitoire par le débouché porteur d’espoir d’un nouveau cinéma porté par des femmes, en rupture avec les cadres imposés.
Le texte de l’autrice, résolument féministe, repose sur l’articulation d’un nombre impressionnant de références filmiques, à vocation encyclopédique, qui donne au propos une forme de légitimité incontestable. Cela ravira certainement les cinéphiles. Malheureusement, pour les autres, le risque est grand que la juxtaposition d’un tel nombre de chroniques ne dilue la force du propos dans ce qui peut passer pour un exercice de style, sorte d’affirmation d’une érudition à l’ambition d’exhaustivité.
Claude Moro