Éditions du Seuil, 2024, 176 pages, 19 euros.
Voilà donc la suite d’une enquête commencée il y a deux ans, avec la parution du livre Criminels climatiques. Ce premier volet s’intéressait aux multinationales Gazprom (russe), Aramco (saoudienne), China Energy (chinoise) qui continuaient tranquillement leurs stratégies industrielles, renforçant carrément les exploitations des énergies fossiles (pétrole, gaz, plastique), comme s’il n’y avait pas de crise climatique. En toute hypocrisie. Impunément. Tout cela avec la complicité des gouvernements et des institutions internationales.
La compensation, bien loin de l’écologie !
Avec ce deuxième volet, Mickaël Correia, en lien avec l’équipe de Mediapart, continue ce travail en se focalisant cette fois sur la multinationale française TotalEnergies qui bat ses records de profits et aussi des records d’hypocrisie. Derrière sa prétendue préoccupation « verte », il y a la réalité sordide du capitalisme, entre cynisme et violences politiques. Car il n’y pas que les mensonges sur les aspects environnementaux, mais aussi des investissements toujours plus importants sur des projets pétroliers et gaziers ou sur un complexe géant de fabrication de plastique.
Par exemple, Total implante une forêt d’hévéas pour se racheter de la pollution qu’il produit par ailleurs. Un soi-disant équilibre ! Ça s’appelle la compensation, la forêt absorbant un stock de CO2 produit par les activités pétrolières. C’est un dispositif à la mode, une véritable fumisterie car ça donne l’autorisation de polluer puisque derrière il y a « compensation ».
Mais cette forêt se construit par achats de terres successifs qui sont en fait des expropriations de parcelles utilisées par les populations pour l’agriculture locale. Ça se passe au Congo, avec la complicité du régime congolais (pas spécialement démocratique ni écologiste d’ailleurs). C’est le colonialisme qui continue, avec le soutien de l’État français. Des habitantEs sont expulséEs, quasiment pas indemniséEs, subissant intimidations et répressions.
Pas loin, en Ouganda et Tanzanie, c’est un oléoduc géant ou de nouveaux forages pétroliers imposés aux populations et qui polluent leurs environnements.
L’hypocrisie totale
L’hypocrisie de Total, c’est celle des pouvoirs partout dans le monde, celle du gouvernement en France bien sûr, principal soutien. L’enquête va fouiller du côté des liens entre diplomaties, ministères, députéEs et les conseils d’administration de la multinationale. Jusqu’à la COP28 à Dubaï en novembre où des dirigeants de Total se trouvaient dans la délégation française, invités par Macron !
C’est édifiant. De quoi défendre radicalement la perspective d’une expropriation-socialisation de Total pour un service public de l’énergie, démocratique, sous contrôle des populations, ici comme dans les pays africains.
Philippe Poutou