D’après le roman de Arto Paasilinna, traduit en français par Anne Colin du Terrail, éditions Futuropolis, 152 pages, 24 euros.
Au nord de la Finlande, peu après la Seconde Guerre mondiale — un épisode compliqué de l’histoire de la Finlande — une communauté villageoise voit arriver d’un œil plutôt favorable le meunier Gunnar Huttunen, qui rachète et remet d’aplomb le moulin local, promesse d’un retour à la prospérité...
Un étrange défaut
Cependant, très rapidement, Gunnar se fait remarquer : quand il est contrarié, quand il fait face à de fortes émotions, Gunnar hurle à tout-va, ne connaissant guère de limites dans son répertoire animalier, avec une intensité qui peut amener le commun des mortels à considérer que le meunier hurle à la mort, ce qui, il faut bien en convenir, n’a pas que des avantages !
Gunnar s’attire alors les foudres des personnages importants du canton, ne gardant peu à peu plus aucun soutien dans la population si ce n’est celui du facteur, d’un policier, et aussi, et surtout, de la conseillère rurale Sanelma Käyrämö.
Dès lors, tout est fait par les autorités pour mettre fin au trouble Huttunen, pour le faire enfermer, pour organiser sa déchéance et le priver de ses biens, de ses droits. De cette bataille inégale, qui voit Gunnar rassembler de maigres soutiens, plus marginaux les uns que les autres, s’entourer d’appuis plus ou moins naturels, mais puissants, il ressort une victoire logique de l’ordre et de la morale. Mais, en y regardant de plus près, l’on pourrait y voir, au fond du cœur des gens honnêtes et simples, le triomphe des forces tranquilles qui gouvernent le monde au-delà du cercle polaire.
Une interprétation déjantée
Il règne, de façon générale, dans les romans de Arto Paasilinna, une forme d’harmonie délirante, qui entoure une galerie de portraits extravagants. L’on y croise une incroyable profusion de personnages bizarres, étranges, scandaleux, généreux, drôles, absurdes, fantasques, que rien ne saurait égaler, sinon peut-être un séjour en hiver auprès des habitants du Grand Nord finlandais.
Dès lors, conscient de cet état de fait, l’on ne peut qu’être impressionné par la puissance de l’écho donné par Nicolas Dumontheuil à cette folle atmosphère. La démesure de son interprétation épouse parfaitement l’excès inhérent à une nature hostile mais généreuse et rend très bien compte du caractère, tellement bien trempé, que doivent afficher les hommes et les femmes de cette région qui ne renoncent pas à la liberté et qui n’abdiquent pas devant une société conservatrice et fermée.
Claude Moro