Publié le Vendredi 15 avril 2016 à 12h59.

Le procès de la liberté. Une histoire souterraine du 19e siècle en France

Michèle Riot-Sarcey, éditions La Découverte, 2016, 24 euros. 

Le dernier livre de Michèle Riot-Sarcey1 est une intéressante réflexion sur les idées de liberté, de souveraineté et de démocratie au cours des luttes du 19e siècle. Sans suivre l’histoire de manière chronologique, l’ouvrage cherche à comprendre au travers d’expériences, d’écrits, y compris romanesques, comment sont perçues ces idées par les acteurs de l’époque, en travaillant sur « l’incertitude du passé », ces hypothèses, ces théories, ces pratiques ouvrant des possibles indispensables à une approche globale de la période.

Pour l’auteure, la révolution politique et sociale de février 1848 est une rupture décisive du 19e siècle. Pour nombre d’insurgéEs, vivre libre, c’est être maître de son propre travail, et la république est le moyen d’aller au socialisme, d’acquérir l’égalité réelle. Ce projet d’autonomie, comme conquête individuelle et collective, explique la multiplication d’associations de production et de consommation s’appuyant sur l’expérience des sociétés d’entraide, de secours mutuel. Ces travailleurs cherchent à mettre en œuvre une démarche d’émancipation des travailleurs par eux-mêmes et pour eux-mêmes.

La construction de la IIIe République après la Commune de Paris met en place un ordre dans lequel la république perd son sens originel, qui échappe aux couches populaires, en séparant strictement le politique et le social. Se développe aussi la conception du parti d’avant-garde comme condition nécessaire et suffisante à l’émancipation des travailleurs, dans laquelle la démarche de libération échappe aux intéresséEs qui délèguent leur pouvoir d’agir.

Enfin,l’auteure revient sur la question du progrès : « la continuité historique, .... [édifie] son devenir sur la philosophie du progrès. Un progrès fondé, sur l’essentiel, sur la science, au sens large du terme... Le développement du social dépend ainsi entièrement des progrès industriels et agricoles, matériels et techniques. Tandis que la politique s’autonomise pour ne se préoccuper que du gouvernement des hommes... Or on le sait désormais, le progrès de la science n’est pas, loin s’en faut, l’équivalent du progrès de l’humanité ».

Patrick Le Moal

  • 1. Autres ouvrages : La démocratie à l’épreuve des femmes - Trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848 (Désirée Véret, Jeanne Derain, Eugénie Niboyet), Albin Michel, 1994 ; Le réel de l’utopie, Albin Michel, 1998 ; Histoire du féminisme, La Découverte, 2002, réed. 2015 ; 1848, la révolution oubliée (avec Maurizio Gribauldi), La découverte, 2008, réed. 2010.