Publié le Mercredi 27 avril 2022 à 10h13.

L’Ensauvagement du capital, de Ludivine Bantigny

Éditions Seuil Libelle, 72 pages, 4,50 euros.

C’est bien un livre*, l’objet que l’on a dans la main, mais ce pourrait être une conférence, voire le cœur d’une simple conversation, le soir sous la pergola... Car ce tout petit livre nous offre une belle idée, nous lance un grand défi : « Comment nous pourrions vivre » !

*ancré

Ludivine a les pieds sur terre, sur cette terre qu’ils dévastent en maltraitant l’humain et le non-humain, sur cette terre de souffrance et de misère. Au « C’est à ce prix que vous mangez du sucre », de Voltaire, elle articule le très actuel « C’est à ce prix que marchent vos ordinateurs ». En quelques pages, l’auteure documente les ravages du capitalisme, ici et ailleurs.

L’ouvrage s’ouvre sur l’évocation tranchante d’un adolescent, de celles et ceux qui meurent, intoxiquéEs par les émanations des déchets toxiques – nos déchets ! – dont ils et elles tentent d’extirper, sur la décharge d’Accra au Ghana, quelques bribes de métaux à revendre. Ces mêmes métaux qui ont servi à fabriquer les appareils vendus dans les pays riches. Ces métaux arrachés dans la douleur des mines du Kivu, au Congo-Kinshasa... La boucle se referme de la prédation... La marque de l’ensauvagement du capital.

*incarné

Ludivine Bantigny sait de quoi elle parle, elle sait d’où elle vient, ce qu’ignorent sans doute – ou alors ils ne veulent pas le savoir, tant ils ne peuvent le concevoir – ceux qu’elle rencontre, ceux qu’elle affronte... Ludivine vient du peuple, c’est de là qu’elle parle, alors que la plupart de ses interlocuteurs, experts, éditorialistes, décideurs, qu’elle croise « sur les plateaux », en ignorent tout et le méprisent... Et Ludivine n’en peut plus de leurs amalgames, de leurs approximations, de leur arrogant renvoi, comme seul argument – mais comme argument ultime – aux heures sombres du stalinisme et du maoïsme, à Pol Pot, au couteau entre les dents !

*éclairé

Alors Ludivine Bantigny veut parler d’autre chose. Elle veut faire émerger, contre leurs sarcasmes, une alternative aux barbares impasses du capital, toujours présentées comme inéluctables, comme le prix à payer. Elle veut ouvrir une fenêtre, éclairée par l’espoir, une fenêtre sur le bonheur. Le très court dernier chapitre intitulé « Comment nous pourrions vivre », brosse en six pages le tableau d’un monde à construire, un monde dans lequel on respire, un monde au sein duquel on « retrouve du temps pour des vies accomplies ».