Publié le Samedi 9 avril 2016 à 10h58.

Les portes de Damas

Lieve Joris, Babel, 2015, 8,70 euros. 

La néerlandaise Lieve Joris a beaucoup voyagé et vécu dans différentes parties du monde, notamment de façon prolongée en Afrique et au Moyen-Orient. Elle a tiré de ses voyages une série de livres documentaires qui donnent des éclairages plus approfondis et plus vivants que bien des articles. En 1993, Lieve Joris publiait les Portes de Damas, chroniques de quelques semaines passées à Damas chez une intellectuelle syrienne connue dix ans plus tôt lors d’une conférence à Bagdad, et dont le mari opposant politique croupit dans les prisons d’Assad, le père ! Elle partage sa vie, celle de sa fille, la libération de ce mari devenu un étranger en prison et que son engagement politique n’a pas affranchi d’un comportement machiste. Culte de la personnalité, corruption, paranoïa permanente et généralisée, la mukhabarat (la police secrète d’Assad) partout, l’oppression des femmes... Il y a 20 ans, tous les éléments du problème syrien étaient là.

L’auteure, qui connaît le Moyen-Orient depuis des années, analyse lucidement cette période post-Guerre du Golfe, et se désole, sans prendre le parti de Saddam Hussein, que tous ses amis arabes et sa propre famille en Europe se soient rangés comme un seul homme sous la loi américaine manichéenne et impérialiste.

On visite Damas, traditionnelle, islamisée, et Alep, chrétienne, très européenne, bourgeoise, élitiste, et on pense aux dernières images vues cette année de ses magnifiques souks détruits. On a le cœur qui se serre quand on pense que la moitié des protagonistes de ce passionnant document sont sur les routes ou attendent à nos frontières ! à Damas en 1993, on regarde les séries égyptiennes et on écoute Madonna, mais on s’interroge : « Nous savons tellement de choses de l’Occident… Tout ce qui se passe là-bas, nous le suivons de près. Est-ce que les gens, à l’ouest, savent ce qui se passe ici ? »

Catherine Segala