D’Andrea Segre. Avec Paolo Pierobon, Giuseppe Battiston, Olivier Rabourdin... Sortie le 7 mars 2018 (1h 55min).
Corrado Rinaldi, policier italien haut gradé, est chargé d’une mission en Libye par le ministère de l’Intérieur : il s’agit d’organiser de façon efficace la rétention des migrants qui veulent gagner les côtes italiennes. Le ministre n’a qu’un seul objectif : que le moins possible de migrants débarque en Italie ; le reste ne l’intéresse pas.
Corrado est un bon flic, dévoué, mais il veut savoir ce qu’il se passe. Il va donc visiter les centres de rétention et voit que les migrantEs interceptés par les garde-côtes libyens sont brutalisés et hébergés dans des bâtiments délabrés où leur vie est en péril. Il se rend compte aussi que ces migrantEs sont, pour les responsables locaux, une marchandise qui permet d’obtenir des crédits européens et que l’on peut aussi rançonner. Comme l’État est fragmenté, tous ceux qui ont du pouvoir veulent leur part des bénéfices.
Une fiction appuyée sur un solide travail d’enquête
Le réalisateur Andrea Segre a tourné plusieurs documentaires consacrés à la question des migrants et de leur accueil ainsi qu’une fiction, la Petite Venise, qui montrait l’amitié entre un pêcheur slave et une clandestine chinoise. L’Ordre des choses est une fiction qui s’appuie sur un solide travail d’enquête auprès de migrantEs (la majorité des figurantEs qui interprètent les migrantEs ont, d’après le réalisateur, vraiment vécu l’expérience de la rétention en Libye) et de policiers italiens qui se sont retrouvés dans la situation du personnage principal.
Corrado ne remet pas en cause la politique de l’Union européenne (les policiers italiens et un collègue français sont en Libye dans le cadre d’une mission européenne) mais il voudrait que la rétention se déroule dans des conditions « humaines ». À un moment, on peut croire qu’il va vaciller et faire un écart par rapport à sa mission mais, finalement, « l’ordre des choses » n’est pas mis en péril.
Ainsi que le résume le réalisateur dans une interview à Télérama : « Nous sommes en train de financer l’arrêt des migrations sans avoir la possibilité, ni même la volonté de contrôler les conditions dans lesquelles les migrants sont retenus en Libye. […] Officiellement, il existe vingt-sept centres de rétention pour migrants en Libye. Dans six ou sept d’entre eux, la pression sociale et politique contre les accords italo-libyens a contraint le gouvernement à améliorer les conditions d’existence des migrants au bout de six mois. Mais dans les vingt autres, rien n’a changé. […] Les Nations unies estiment qu’au moins cinq cent mille personnes sont aujourd’hui retenues en Libye ».
Henri Wilno