Publié le Samedi 15 mars 2025 à 12h00.

Militer à tout prix ? Pourquoi nos collectifs nous font mal et comment les soigner, de Sarah Durieux

Éditions Hors d’atteinte, 2025, 288 pages, 20 euros.

Au-delà du titre, qui semble taillé pour la rubrique « Penser / Agir » de l’Anti­capitaliste, qu’en est-il vraiment de cet ouvrage ? 

La première impression, c’est une sorte de malaise. En effet, il y a une ambiguïté quant à l’acception du terme « militer ». L’autrice l’utilise à la fois dans le sens que partagent la plupart des lecteurEs de notre excellent journal et pour désigner l’activité des permanentEs des grandes associations, des ONG, qui se désignent elleux-mêmes comme « activistes ». Il y a bien entendu des similitudes mais la différence de point de vue est manifeste, notamment parce que les activistes en question sont le plus souvent des salariéEs de leurs associations, qu’ils et elles sont soumises à des exigences de résultat, et que les méthodes utilisées pour optimiser leur activité relèvent parfois de méthodes modernes de management.

Un productivisme de l’engagement

Un certain nombre de questions posées dans ce livre sont néanmoins communes à ces deux univers, qui par ailleurs se côtoient et se recoupent souvent. C’est le cas de la recherche de l’hégémonie, du culte de l’échelle — toujours être la plus grosse entité dans son domaine, et par là conquérir une place prépondérante — qui peuvent conduire à exploiter et accaparer les ressources militantes dans une démarche de concurrence. Cela peut également amener à polariser l’activité sur des indicateurs quantitatifs, au détriment du qualitatif, et même à introduire une dimension productiviste à l’engagement. 

L’urgence règne

En corollaires, on trouve bien entendu des processus de domination, privilégiant la (soi-disant) raison à l’émotion, la concentration du pouvoir, voire la tyrannie de l’horizontalité. L’analyse de la culture du sentiment d’urgence, attachée à de nombreuses actions et beaucoup de démarches militantes, menant souvent à empêcher des discussions ou à les trancher de façon autoritaire, n’est pas sans rappeler certaines de nos pratiques et, pour les plus ancienNEs d’entre nous, la période un peu étrange où nous courions au-devant d’une histoire censée nous mordre la nuque.

Vincent Gibelin