Publié le Lundi 8 février 2016 à 11h18.

Monsieur Chocolat, le premier clown noir

Texte de Bénédicte Rivière, images de Bruno Pilorget, Rue du Monde, 2016, 17,50 euros. à partir de 8 ans

Rafaël Padilla, fils d’esclaves, né à Cuba en 1868, donné par ses parents, vendu par celle qui l’a recueilli, arrive en France, se fait remarquer par ses dons de danseur comique, devient clown de cirque, spectacle populaire de la Belle Époque. Il rencontre le clown anglais Footit et tous les deux inventent le duo Clown blanc / Auguste, et dans leur couple, ce contraste est accentué par la couleur noire de l’Auguste qui devient alors le ressort comique. Les situations tournent toujours mal pour le clown Chocolat qui s’exclame « je suis cho-co-laaaat ». Le mépris des Blancs envers les Noirs n’étonne personne à cette époque intolérante et coloniale, où des tribus entières sont exhibées derrière des grilles dans les zoos et à l’ Exposition universelle internationale et coloniale de 1894.

Dans les années 1900, le duo bénéficiera d’un immense engouement populaire, avec déjà la vente de produits dérivés (jeu de société). Chocolat se produit sur les plus grandes scènes, et inspire même Toulouse Lautrec et les frères Lumière. « L’Autre » est un phénomène d’étonnement, d’effroi et de dérision qui fait spectacle.

Le cinéma muet met fin à 25 ans de succès, le public préférant l’image nouvelle au spectacle vivant. Chocolat tombe alors dans la misère, et invente la thérapie par le rire en se produisant pour les enfants hospitalisés. Car cet homme dont on s’est ri était un véritable altruiste. Et comme Molière, il meurt en sortant de scène.

Ce livre aux belles illustrations est une mine de sujets de discussion avec les enfants dans notre époque aussi « intolérante et coloniale ».

Simultanément à cet album est sorti en salle mercredi 3 février Chocolat, le film de Roschdy Zem avec Omar Sy dans le rôle titre. Et pour les plus grands qui souhaitent approfondir le sujet, signalons enfin l’ouvrage de Gérard Noiriel Chocolat clown nègre (Bayard, 2012, 21 euros).

Catherine Segala