La disco pour les nuls est-elle nulle ? Impossible à ignorer, les Daft Punk ont déferlé sur la France, et même le monde, avec Random Access Memories. Son succès commercial, y compris en ventes physiques (les CD) a redonné le sourire à leur major, qui par ailleurs attend surtout la pluie dorée des « synchros » (pub ou télé). Certes, le duo composé de Thomas Bangalter et de Guy-Manuel de Homem-Christo, qui aiment se cacher sous des casques de robot (au point qu'une bande de braqueur avait été surnommé du nom du groupe par la police en PACA), occupe une place singulière. Ils constituent l'un des rares exemples hexagonaux accomplis de groupes « passeurs », capables de populariser auprès du grand public des styles « pointus ». Leur premier album Homework démocratisait une révolution électronique en marche (dont les thermidoriens Bob Sinclar ou David Guetta ont vendu l'âme). Le second opus Discovery présentait à la masse la beauté élitiste de la house, portée par la voix magique de Romanthony, DJ (écoutez son titre « The wanderer ») et chanteur « underground », aujourd'hui disparu, pendant que leur collaboration avec le créateur de Albator sur « Interstella 5555 » prolongeait leur ouverture grand public. Le nouvel opus paraît avoir renoncé à cette ambition. Fruit d'une collaboration avec Nile Rodgers, génial producteur de disco grande époque, notamment avec Chic, et la star Pharrell Williams, le titre phare « Get Lucky » illustre plutôt l'envie d'assurer ses arrières en jouant sur la nostalgie collective. L'hommage à Giorgio Moroder, l'homme derrière le succès de Donna Summer, s'inscrit dans cette sympathique gestion du plus petit patrimoine musical commun. Cela dit, le label Ed Banger, fondé par leur manager Pedro Winter, qui fête ses dix ans (cf. leur compilation « Ed Rec vol. X »), continue, malgré son vernis branchouille, à produire des artistes et des titres bien plus fidèles à cette envie de faire de l'éduc pop avec la pop.
King MartovMusique : Random Access Memories de Daft PunkColumbia, 2013, 16 euros