Congo contemporain : un État en pleine expansion économique, après des années de guerre civile, qui doit accueillir un sommet international sur la condition de la femme. Quinze ouvrières, casseuses de pierres, aux parcours très différents, prennent conscience que leur labeur quotidien participe à l’ouverture économique du pays : la construction d’un aéroport. Mais ce dernier ne leur profite pas. Menées par l’héroïne, Méréana, mère célibataire de trois enfants, elles décident de s’organiser en unissant leurs forces pour faire pression sur les acheteurs de pierres et récupérer leur part du gâteau. Un seul moyen : la grève.
Le lecteur va suivre cette épopée naturaliste, terrifiante et drôle, à travers la voix du narrateur qui investit la conscience de l’héroïne. On y retrouve toutes les étapes d’une grève, les doutes comme les victoires, la construction de la solidarité, les manipulations et tentations de corruption. On est en Afrique et les protagonistes peuvent perdre bien plus que leur travail : leur honneur et la vie. De plus, l’actualité s’immisce comme une lame de fond dans le récit : une voix radiophonique fait écho, quotidiennement, à l’actualité grinçante du pays et du monde et rappelle au lecteur tout l’enjeu du combat de ces femmes. Et c’est là toute la force et la dimension salutaire du roman : le pouvoir du collectif qui redonne espoir et dignité à ces personnages que la vie n’a pas épargnés. Congolaises, ouvrières, mères, elles sont surtout des femmes qui doivent se battre sur plusieurs fronts, à la maison comme au travail mais aussi contre le poids des traditions et la société patriarcale. « Ce roman fait partie d’une admiration pour ces femmes qui se battent [… ] ce qu’ont les femmes, elles doivent l’avoir par leurs propres combats, comme ça personne ne peut leur retirer. »
Ces propos de l’auteur résonnent dans chacun des portraits de ses héroïnes, qui offrent un autre regard sur l’Afrique contemporaine.
Roman : Photo de groupe au bord du fleuve de Emmanuel Dongala
Babel, Actes Sud, 2012, 10 euros.