Film franco-polonais-ukrainien, durée 1 h 24 min, sortie le 8 novembre 2023.
Dans le van que le réalisateur polonais Maciek Hamela conduit à travers l’Ukraine en guerre, les personnages et les histoires (vraies) se succèdent, au fil des trajets qu’il effectue pour mettre à l’abri ces réfugiéEs en quête d’avenir.
Le rythme est lent, apaisant. Pas de musique de fond, pas de mise en scène tapageuse. Juste la route et les paysages qui défilent, les bruits familiers, mécaniques et rassurants, d’une voiture qui avale les kilomètres pendant que ses passagerEs racontent, avec pudeur, ce qu’ils vivent depuis des mois et les raisons qui les poussent à rejoindre la Pologne voisine. Parfois, la route s’arrête. Un pont effondré, des voitures dans les décombres en contrebas nous rappellent à la réalité : ce dont ces gens parlent n’a rien d’abstrait, c’est là, dehors, sur les routes minées qu’il faut éviter, dans le ciel où des panaches de fumée témoignent de bombardements en direct, dans ces décors de villes détruites où des pignons d’immeubles éventrés affichent fièrement des pubs tellement anachroniques et discordantes dans ces paysages dévastés. Le danger est réel, et présent en continu alors que le van se fraie un chemin de point de contrôle en point de contrôle.
Que la guerre ait emporté l’un des leurs ou que leur mari, père, fils ou frère ait dû rester au front, ces familles sont incomplètes, déchirées. On croise des grands-parents, en larmes de dire au revoir à leurs petits-enfants sans la moindre certitude de les serrer à nouveau dans leurs bras, un jour. Des enfants, si petits, trop sages, trop sérieux pour leur âge, qui écoutent sans s’émouvoir des conversations qui ne devraient jamais parvenir à leurs oreilles, mais qui ne sont plus que le reflet de leur quotidien depuis février 2022. Des enfants qui transportent sur un papier toute leur identité, au cas où. Des mères qui abandonnent tout, même s’il n’y a plus grand chose à abandonner, sans savoir ni où elles vont, ni ce qui les attend, simplement dans l’espoir de mettre leurs enfants à l’abri n’importe où tant que c’est ailleurs. Et puis parfois, au bout du trajet, des familles qui se retrouvent, et après le chaos un peu de bonheur, aussi.
Pierre feuille pistolet est un documentaire bouleversant, mais plein d’espoir et de dignité. Au milieu des larmes, il y a des rires, de la solidarité, de l’humanité. Alors que les voix de ces familles obligées de fuir les bombes résonnent d’une brûlante actualité, et pour ne pas oublier l’Ukraine, un film à voir, absolument.