Le cinéma est le seul moyen de communication des idées encore soumis au contrôle préalable de l’État qui délivre un visa d’exploitation, en dérogation au droit commun de la liberté d’expression. Il est évident qu’en matière de pornographie et de violence, l’imagination des producteurs cinématographiques est grande, et il est difficile de dire où commence l’atteinte à la dignité humaine, les critères étant hautement subjectifs.
Une association d’extrême droite, elle aussi hautement subjective, l’association Promouvoir, qui se targue de militer pour « la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » en défendant ce qu’elle nomme les valeurs judéo-chrétiennes, a bien vu la faille et s’emploie depuis plusieurs années à faire reclassifier les films, obtenant du Conseil d’État qu’il annule les visas d’exploitation aux moins de 16 ans pour obtenir une interdiction ou un classement en film à caractère pornographique ou incitant à la violence...
Promouvoir a quelques victoires à son actif : Baise-moi en 2000, Antéchrist, Nymphomaniac en 2014. En mai 2015, Promouvoir vient d’obtenir l’annulation du visa d’exploitation de Saw 3D,film gore reclassé en interdit aux moins de 18 ans (alors qu’il est sorti en salle il y a 5 ans !).
L’observatoire de la liberté de création de la LDH s’insurge de cette victoire des intégristes. Nous aussi ! Non seulement la loi ne prévoit pas de critères de classement, mais la profession cinématographique, tout comme le ministère de la Culture, ne dispose d’aucun moyen juridique pour combattre l’arbitraire du Conseil d’État, sa faiblesse, sa dérive moralisante et la montée visible d’une nouvelle censure sous influence...
Il est aussi temps de s’interroger sur les raisons pour lesquelles un certain cinéma, quand il ne produit pas des blockbusters affligeants, ne cesse de repousser les limites de la violence exhibée, au moment même où nombre de festivals de cinéma vont disparaître faute de budget.
Catherine Segala