Bande dessinée de Florent Grouazel et Younn Locard. Actes Sud, janvier 2019, 328 pages, 26 euros.
Octobre 1789, les femmes pauvres de Paris occupent la salle où siègent les députés. Un lieutenant de la Garde nationale s’adresse à son frère député de l’Assemblée nationale : « Ça fait six mois que vous perdez vos après-midis. »
Bouillonnement populaire
Une phrase dans la tonalité de la BD exposant une révolution de 1789 en actes. Les deux auteurs, Grouazel et Locard, ne récitent pas le catéchisme républicain : la « bonne » révolution pacifique et éclairée réalisée dans une enceinte parlementaire. Au contraire, ils montrent comment le petit peuple porte les coups les plus durs à l’ancien régime notamment par la violence. Comme en ce 14 juillet où alors que les députés du tiers état, redoutant une attaque des troupes royales, se préparent à jouer les martyrs, les parisiens prennent d’assaut la Bastille. Ils bousculent la très respectable bourgeoisie se livrant à une guerre, certes, mais « une guerre de mots, une guerre de principes », selon l’aveu de Barnave, un chef de file des révolutionnaires bourgeois.
Ces bourgeois qui ne peuvent pas se passer des pauvres pour s’opposer au roi et à l’aristocratie, ne souffrent pas que ceux-ci fassent entendre leur voix. À l’image des gardes nationaux, majoritairement recrutés parmi les moyennes fortunes de la capitale acceptant les armes prises à la Bastille ou aux Invalides, mais qui refusent aux vendeuses de poissons des Halles le droit de distribuer elles-mêmes les farines nécessaires à l’alimentation des parisiens. Révolution : c’est la révolution dans la rue et le bouillonnement populaire. C’est la révolution telle qu’elle est : pas celle que les bourgeois ont voulu présenter. Et il reste deux tomes à venir !