Par Henri Clément
La publication en poche du recueil de nouvelles de Clifford D. Simak, Voisins d’ailleurs, est l’occasion de découvrir l’un des grands auteurs de science-fiction américains et donne une vision de son travail sur la deuxième moitié du XXe siècle. Né dans le Wisconsin, ayant passé son enfance à la ferme, ses premiers textes sont empreints de cette expérience : ses personnages vivent à la campagne, au rythme des travaux agricoles et des visites à leurs voisins. La relation aux extraterrestres est d’ailleurs envisagée sur ce même mode de la relation de voisinage, loin des visions paranoïaques d’envahisseurs agressifs et destructeurs.
La nouvelle Le voisin est vraiment représentative des thèmes et du style de Simak : un nouveau fermier vient s’établir à Coon Valley et son installation est suivie d’étranges phénomènes. Cet homme baptisé Reginald Heath aurait fui le bloc de l’Est pour venir s’établir dans cette paisible vallée. Réfugié, il l’est bien, mais d’une autre planète – ce qui n’empêche pas qu’il soit accueilli à part entière dans la communauté. Il y a là l’autre aspect essentiel des récits de Simak : son profond humanisme. Nous sommes à l’exact opposé de scénarios du type Independance Day, dans lesquels la lutte contre un envahisseur extraterrestre est l’occasion de glorifier la puissance des Etats-Unis.
Peu de gadgets technologiques dans ces textes, mais bien une interrogation répétée sur les capacités de l’humanité à vivre en paix et en harmonie. La maternelle, le texte qui ouvre le recueil, pose clairement cette question d’une éducation de l’humanité, en même temps qu’une critique des réponses militaires propres aux Etats-Unis. Le bidule, quant à lui, en reprenant le thème du contact avec une forme de vie extraterrestre, prend les perspectives habituelles à contre-pied.
Ces textes sont également une critique des délires patriotiques qui embrasent régulièrement nos sociétés. Ils interrogent l’avenir de notre planète et de nos sociétés, comme en témoigne La photographie de Marathon : « Imaginez que les droits de l’homme doivent prendre le pas, en théorie comme en pratique, sur le droit de propriété ? […] Imaginez que le nationalisme soit condamné […] Ou que le patriotisme apparaisse comme une ineptie. » Très loin de des clichés et préjugés dont continue de souffrir la science-fiction, Voisins d’ailleurs offre un aperçu de sa richesse et de son dynamisme.
Voisins d’ailleurs, Clifford D. Simak, traduit de l’anglais par Pierre-Paul Duranstanti, Gilles Goullet, P. J. Izabelle et Michel Lederer, Folio SF, Gallimard, 2012, 416 pages, 7,50 euros.
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