Publié le Mardi 27 janvier 2015 à 11h30.

Souffrance au travail et capitalisme

Aujourd’hui plus que jamais, avec le chômage de masse, la précarité, les liens qui se détruisent, la question de l’exploitation est au centre des préoccupations du monde du travail. Des méthodes telles que le lean management ou le toyotisme font des ravages, aggravant en permanence les condition de travail et poussant parfois aux suicides.

Le livre d’ Elizabeth Dès, Le harcèlement au travail – Mémoire d’un combat, publié en 2013 et réédité en 2014, a fait l’objet d’une réunion publique organisée par le NPA à Mulhouse le 10 novembre en partenariat avec Attac. Le texte de l’auteure est accompagné d’une préface du docteur Jacques Giron, du CHU de Toulouse, et d’une postface de Vincent Duse sur les suicides en mai 2007 sur le site de PSA Mulhouse.

Avec la suppression de plus de 20 000 postes dans le secteur de la santé, les conditions de travail des personnels de santé se sont terriblement dégradées. Les directeurs d’hôpitaux sont devenus des chefs d’entreprise dont l’objectif est de faire des gains de productivité au détriment des patients et de la santé publique. Avec des effectifs toujours à la baisse et des charges de travail qui n’ont cessé de croître, le nombre des dépressions nerveuses a explosé. Pour toutes ces raisons, aujourd’hui, les mouvements dans le secteur hospitalier reprennent de la force.  

 

Le  secteur automobile dans la tourmente

Le secteur automobile subit aujourd’hui des baisses d’ effectifs considérables et est dans l’attente de nouvelles fermeture de sites. Cette situation pèse lourdement sur l’ambiance au travail. Les différents plans de suppression d’emplois, chez PSA ou Renault, s’accompagnent d’une augmentation des cadences et des charges de travail, pour faire toujours plus de gains de productivité. Les accords dit de compétitivité ont encore aggravé la situation pour les salariés.

La charge de travail augmente en permanence, en même temps que des postes sont régulièrement supprimés. Les temps morts sont pourchassés ; les déplacements non productifs sont éliminés et il n’y a donc plus de temps pour discuter entre deux voitures. Les liens entres les salariés se sont ainsi distendus, ce qui est à l’origine des drames sur le site PSA de Mulhouse, avec cinq suicides dont trois dans l’usine elle-même.

L’angoisse de ne pas arriver à tenir son poste s’accompagne de la peur de perdre son travail. L’ensemble des salariés est impacté par cette arme de destruction massive qu’est l’exploitation dans ces nouveaux bagnes salariaux. Les anciens et les malades sont directement dans le collimateur. Ne pouvant plus tenir les postes qui leurs sont proposés, les salariés trop souvent malades ou en longue maladie sont culpabilisés avec des pressions permanentes et des menaces de licenciement, qui se réalisent souvent.

Tout cela n’est pas un malheureux concours de circonstances comme l’a laissé entendre la direction du site de Mulhouse, en argumentant que ces salariés avaient des problèmes personnels ou familiaux pour se dédouaner de la responsabilité des suicides. C’est une politique consciemment choisie, celle de faire toujours plus d’argent sur le dos des hommes, quel qu’en soit le coût humain.

Le mono-flux consiste a faire une seule ligne de montage au lieu de deux et plusieurs véhicules sur la même chaîne, comme c’est déjà le cas chez PSA à Rennes, Poissy et le sera bientôt à Mulhouse. Sur le site de Mulhouse, d’ici 2017 nous en serons à moins 1300 personnes avec une cadence horaire qui pourra atteindre 60 véhicules par heure, une véritable folie. Et un massacre en termes d’emplois et de conditions de travail. La défense de l’ensemble des emplois passe par la défense des conditions de chaque poste de travail.

Les mêmes attaques partout

Ces attaques sont les mêmes partout, sur l’ensemble du groupe PSA et chez les autres constructeurs, mais également les sous-traitants. Face à cette politique d’ensemble, c’est bien un mouvement d’ensemble dont nous avons besoin. Mais pour cela, on ne peut pas compter sur les confédérations syndicales qui se contentent de protestations platoniques tout en accompagnant cette évolution. Nous ne pouvons compter que sur nos propre forces pour fédérer les équipes combatives et chercher à unifier le secteur auto avec d’autres professions qui subissent les mêmes attaques.

L’ouvrage d’Elisabeth Dès prend une place particulière dans cette période où nous sommes face à un patronat décomplexé et de combat, qui va d’attaques en attaques contre le monde du travail, et à un gouvernement à sa solde. Mais les leviers de lutte existent. Chez PSA, de nombreux débrayages, bien qu’encore minoritaires, montrent que tout cela ne passe pas comme une lettre à la poste. Ici comme ailleurs, il y a une volonté de résistance qui pourrait bien converger prochainement.

Vincent Duse

Elisabeth Dès, Le Harcèlement au travail – Mémoire d’un combat, Les Points sur les I, 2013, 150 pages, 12 euros.