Publié le Mercredi 17 mars 2021 à 14h01.

On a tous un ami noir, de François Gemenne

Fayard, 256 pages, 17 euros.

Lauteur, chercheur sur le climat et les migrations, déconstruit non sans humour nombre d’idées reçues sur les migrations. « Je suis Belge mais, parce que je suis blanc, on ne me considère jamais comme un étranger en France, contrairement à nombre d’enfants d’immigrés ou de citoyens français souvent considérés comme des étrangers en raison de leur couleur de peau ou de leur religion. »

« Victoire de l’extrême droite et du Front national »

Le débat sur les migrations est envahi de fausses perceptions, d’idées reçues et de mensonges. La réalité est que depuis 60 ans, à l’échelle du monde, seulement 3 % de la population vit hors de son pays de naissance. Sans lien avec cette réalité, les migrations sont perçues comme un problème, voire comme un danger mortel : « Et c’est sans doute la plus belle victoire de l’extrême droite et du Front national que de l’avoir inscrite de cette manière dans l’inconscient collectif. » D’autant que, rappelle l’auteur, la gauche institutionnelle a contribué à construire ces préjugés, comme quand Rocard déclarait en 1989 : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

Chiffres à l’appui, François Gemenne rappelle que non, ce n’est pas « toute la misère du monde » qui migre vers les pays riches, mais avant tout ceux qui en ont les moyens humains et matériels. Pour l’essentiel, « la misère du monde reste chez elle ».

La fermeture des frontières défendue par tous les gouvernements ne signifie pas la fin des migrations, elle les rend plus dangereuses, plus coûteuses et plus meurtrières. Elle ne fait qu’alimenter le commerce légal du sécuritaire comme celui, illégal, du « trafic de migrants », trafic le plus rentable au monde derrière les armes et les drogues…

François Gemenne défend qu’au lieu de voir les migrations comme un problème à résoudre par la fermeture des frontières, il faut y voir un processus inévitable à anticiper et à organiser. Car les migrations ne peuvent que s’amplifier à l’heure de la mondialisation, de l’explosion des inégalités et du changement climatique… Un livre qui réaffirme que la migration est à la fois « une évolution structurelle du monde et un droit fondamental. »