Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, jusqu’au 9 mars 2015.
Une exposition idéaliste sous couvert d’un génie national. La pensée Viollet-le-Ducienne a ouvert de nombreuses portes pour ce qui est du domaine de l’architecture, mais n’oublions pas qu’elle en a fait s’effondrer plusieurs autres. La théorie idéaliste, aussi bien consciencieuse que brutale de Viollet-le-Duc (1814-1879) dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle défendait le fait que « restaurer un édifice […], c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Il trouve opposition chez John Ruskin qui se place contre la modernité, la division du travail, et l’interventionnisme systématique. Défendant l’artisanat, il affirme que l’homme pouvait vivre sans architecture mais que sans elle, il nous était impossible de nous souvenir.
Alors comment nous souvenir si l’original disparaît ? Comment restituer à l’objet restauré une valeur historique, si elle perd son historicité ? Les marques du temps font partie de l’essence même du monument. Dans certains cas, restaurer revient à redonner vie à un mort. Viollet-le-Duc a « la nostalgie de l’avenir et non celle du passé ».
Aujourd’hui, le patrimoine est une industrie qui nous assomme d’idées standardisées, dans une scénographie clinquante, passées au laminoir de la culture, le tout enrobé d’un affreux rouge plus si étrusque que ça. La réaction des journaux spécialisés se révèle bien docile et conciliante. On en vient à constater à quel point le journalisme est devenu publicité.
« Les visions d’un architecte » : visions unilatérales annoncées par une affiche rouge, reprise des éditions Hetzel, où l’on nous évoque ce « Jules Verne » de l’architecture bien connu pour ses monuments dé-restaurés. Mais y a-t-il pour autant un lien entre Jules Verne et Viollet-le-Duc ? Une question de marketing : il faut bien l’avouer, Viollet-le-Duc à encore un peu de poussière sur son costume trois pièces. Cette exposition manque cruellement de recul et d’impartialité, à la limite de la propagande. Ayant parcouru les lieux en connaissance préalable du sujet, on en ressort déconcerté faute d’avoir été convaincu par le #violletleduc.
Malgré quelques remarques acides, c’est un beau contenu que vous pourrez y trouver, certes victime de la doctrine de certains historiens de l’art, mais tout de même intéressant. Veillez donc à ne pas manquer la caricature par Eugène Giraud, la seule œuvre en contrepoint.
F.M. & H.J.