À la veille de mai 1968, les femmes ont gagné des droits juridiques, mais elles sont loin de l’égalité, bien que leur rôle et leur place dans l’économie et la société se soient largement modifiés.
Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes ont joué un rôle économique à part entière, aussi bien dans l’industrie que dans les campagnes, ce qui a entraîné une évolution législative. Ainsi en 1915 les femmes disposent de l’autorité paternelle « pour la durée de la guerre » et, en 1917, une loi leur permet d’être tutrice et de participer au conseil de famille. Une commission de l’Assemblée nationale affirme le principe d’un vote des femmes, mais aux élections municipales seulement. Toutefois, une fois la guerre terminée, l’objectif est de faire que les hommes retrouvent leur place et leurs attributs de « chef de famille ».
Le droit de vote est enterré. Après trois débats parlementaires aboutissant à trois refus du droit de vote entre 1922 et 1939, ce n’est qu’à la Libération, en 1944, que le gouvernement provisoire de De Gaulle, qui a une légitimité à gagner, accordera par ordonnance le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.
Avortement et contraception sont réprimés par la loi. Partageant le combat des féministes bourgeoises pour le droit de vote, des militantes féministes radicales vont plus loin : Arria Ly et Madeleine Pelletier, première femme médecin interne, dénoncent la famille bourgeoise, militent pour une virginité choisie en appelant à une révolution sexuelle. Elles sont ciblées par les agressions sexistes et la répression, ce qui pousse Arria Ly au suicide en 1934. Madeleine Pelletier est internée de force dans un asile où elle meurt en 1939.
Une condition de subordonnées
Les femmes salariées participent aux mouvements de grève mais le plus souvent, comme en 1936, les hommes tiennent la direction des luttes même dans des secteurs majoritairement féminins. Ce n’est qu’en 1965 que la loi imposant l’autorisation du mari pour signer un contrat de travail ou ouvrir un compte en banque disparait.
Le combat n’est pas encore pour le droit des femmes à disposer de leur corps, mais pour choisir le moment et les conditions pour devenir mère. La création en 1956 de la « Maternité heureuse » qui deviendra le Planning familial en 1967, est une étape importante. Ce sera un des cadres de discussion et d’action pour défendre la suppression de la criminalisation de l’avortement et l’accès à la contraception. Combats qui se mènent également contre le PCF, Maurice Thorez écrivait dans l’Humanité en mai 1956 : « Il ne nous semble pas superflu de rappeler que le chemin de la libération de la femme passe par des réformes sociales, par la révolution sociale et non par les cliniques d’avortement ». En 1967, la contraception est, avec des restrictions, enfin autorisée.
Dans les années 1950 et 1960, les femmes prennent une place de plus en plus importante dans les industries, mais aussi dans les services qui se développent ; elles accèdent en plus grand nombre à l’enseignement supérieur. Mais la condition féminine demeure celle de subordonnées. Les interdits et les préjugés continuent de peser, y compris au sein du mouvement ouvrier, en raison soit du poids des traditions catholiques, soit (dans la CGT et le PCF) de la prédominance d’une vision qui réduit les femmes à des travailleuses et des mères et considère la lutte contre les oppressions spécifiques comme des diversions.
Il faudra qu’apparaisse, non en mai 1968, mais en 1970, le mouvement autonome des femmes pour que ce modèle commence vraiment à être ébranlé.
Cathy Billard