Les 6 et 9 août 1945, en quelques secondes, les vies d’au moins 150 000 JaponaisEs furent anéanties. Dans les semaines et mois qui suivirent, des dizaines de milliers encore sont morts, souvent dans d’atroces souffrances...
Aujourd’hui, comme à l’époque dans le camp des alliés, on trouve encore des hommes politiques et des « experts », qui affirment que, malgré l’horreur, les bombardements étaient nécessaires pour éviter la mort de centaines de milliers de soldats et de civils dans une guerre très longue. Cet argument est faux, et cache les véritables motivations du gouvernement américain.
« Montrer sa force »
En août 1945, replié sur les principales îles et la Mandchourie, le Japon n’était plus en mesure d’offrir une résistance conséquente. Huit millions et de demi de Japonais avaient fui les villes. La production de guerre était réduite à peu de choses. Dans les raffineries de pétrole, la production avait été réduite de 83 %, la production des moteurs d’avion de 75 %, celle des cellules d’avion de 60 %. 600 usines importantes avaient été détruites, 90 % des navires avaient été coulés.
Une étude menée par l’armée américaine après la guerre concluait que même sans les bombes, le Japon aurait certainement capitulé avant le 31 décembre, peut-être même avant le 1er novembre. Dans ses mémoires, le général Eisenhower parlera de sa « conviction que le Japon était déjà battu, que le bombardement était complètement inutile » et que « l’utilisation d’une bombe (n’était) pas nécessaire pour sauver la vie des Américains. » Plus loin, il ajoute que le général MacArthur (l’officier le plus haut gradé dans le théâtre des opérations en Pacifique) « pensait que le bombardement était complètement inutile d’un point de vue militaire. » Enfin, les États-Unis avaient percé les codes des communications japonaises et savaient que le Japon cherchait à négocier et envisageait même de se rendre.
Certains analystes évoquent l’argument qu’après avoir dépensé des sommes colossales pour développer la bombe, il fallait quand même s’en servir, ou que le largage des bombes permettait d’observer l’impact en situation réelle de cette nouvelle arme. D’ailleurs, les deux villes avaient été épargnées des bombardements « classiques » infligées aux autres villes japonaises… afin de mieux mesurer les effets de la bombe atomique ?
Il est tout à fait possible que de tels arguments cyniques aient pesé dans la décision. Dans une conversation avec le président Truman le 6 juin 1945, le ministre des Affaires étrangères, Henry Stimson dit : « Je craignais qu’avant d’être prêt, l’Armée de l’Air ait tellement détruit le Japon que la nouvelle arme ne bénéficie pas d’une situation suffisamment crédible pour montrer sa force. » Face à cette remarque, le président « a ri en disant qu’il comprenait. » Enfin, en matière de cynisme et de brutalité, les alliés avaient déjà montré leur capacité à terroriser les populations civiles avec des armes classiques, à Dresde ou à Tokyo (entre 80 000 et 100 000 mortEs à chaque fois).
Le partage du butin
Mais la raison de fond se trouve dans la rivalité entre les différentes puissances, en particulier entre les USA et l’URSS, la puissance émergente. Pendant la guerre, les USA et l’URSS, mais aussi la GB et la France, avaient besoin de l’aide des uns et des autres pour venir à bout de l’impérialisme allemand et japonais. Mais la rivalité n’était jamais très loin, comme l’a montré le refus des alliés, dans un premier temps, d’ouvrir un deuxième front à l’ouest, contents qu’ils étaient de voir l’Allemagne et l’URSS s’affaiblir dans un duel sanglant.
Par contre à mesure que l’Allemagne et le Japon reculaient, il devenait de plus en plus urgent de se mettre dans la meilleure position pour partager le butin qui reviendrait aux vainqueurs à la fin de la guerre : pour le partage de l’Europe et du Moyen Orient, mais aussi de l’Asie.
Ainsi, lors de la conférence des alliés à Potsdam en février 1945, l’URSS s’est engagée à ce que trois mois après la défaite de l’Allemagne, elle envahisse la Mandchourie occupée depuis 1931 par le Japon.
En échange de l’intervention de ses troupes, Staline revendiquait l’occupation des îles Kuriles, l’occupation de la Mandchourie et le partage du Japon. Mais la mise au point de la bombe atomique et son essai réussi le 16 juillet changea la donne. Capables maintenant de précipiter la reddition du Japon par la terreur, les USA pouvaient se passer de l’aide de l’URSS et éviter ainsi d’être obligés de trop lui céder. Staline, fonctionnant selon la même logique, s’est précipité pour envahir la Mandchourie deux jours après Hiroshima, et se livrer à un pillage en règle de ce pays à la fin des hostilités, même s’il ne pouvait plus prétendre à un partage du Japon. C’était aux Américains que les Japonais se rendaient, pas aux Russes !
La guerre froide n’allait pas tarder à se mettre en place....
Ross Harrold
La « peste atomique », plus jamais ça !
Le journaliste australien Wilfred Burchett a été le premier correspondant occidental à arriver à Hiroshima un mois après l’explosion : « Hiroshima ne ressemble pas à une ville bombardée. On a l’impression qu’un rouleau compresseur gigantesque est passé sur la ville jusqu’à la faire disparaître. Sur le premier terrain d’essai de la bombe atomique, je vois la dévastation la plus terrible et la plus effrayante depuis quatre ans de guerre. Les champs de bataille du Pacifique, c’est le jardin d’Eden à côté d’ici. (…) À l’hôpital, j’ai trouvé des gens qui n’ont souffert d’aucune blessure quand la bombe est tombée mais qui meurent actuellement de séquelles troublantes.
À Hiroshima, trente jours après la première bombe atomique qui détruisit la ville et fit trembler le monde, des gens qui n’avaient pas été atteints pendant le cataclysme sont encore aujourd’hui en train de mourir mystérieusement, horriblement, d’un mal inconnu pour lequel je n’ai pas d’autre nom que celui de peste atomique.
Sans aucune raison apparente, ils s’affaiblissent. Ils perdent l’appétit. Ils perdent leurs cheveux. Des taches bleuâtres apparaissent sur leur corps, puis ils commencent à saigner des oreilles, du nez, de la bouche.
Au début les médecins me disaient qu’ils pensaient que c’étaient des symptômes d’un affaiblissement général. Ils donnaient des injections de vitamine A, mais les résultats étaient horribles. La chair commençait à pourrir autour du trou laissé par l’aiguille de la seringue. Dans tous les cas la victime meurt. »