Publié le Mercredi 14 avril 2021 à 12h39.

La Bombe, d’Alcante, Bollée et Rodier

Éditions Gléna, 472 pages, 39 euros.

C’est un bel objet, une énorme bande dessinée, parue l’été dernier, avec plus de 450 pages de dessins, en noir et blanc, très beaux, très expressifs. À l’œuvre, ils sont deux scénaristes, dont l’un à l’origine du livre, qui y pensait depuis longtemps, et un dessinateur.

Voilà donc un trio aidé d’une équipe nécessairement plus large pour raconter avec précision une histoire terrible, celle de la bombe atomique, celle qui va fracasser des centaines de milliers de vies. Une histoire racontée par l’atome d’uranium lui-même, qui a su attendre des milliards d’années pour faire parler de lui.

Histoire du « projet Manhattan »

Ça commence en mars 1933, avec un personnage qui est un des principaux, un scientifique hongrois, le professeur Leo Szilard. Il est juif, il a fui l’antisémitisme de la Hongrie en 1919, et de même l’Allemagne en 1933. À partir de là, on va passer dans plusieurs pays, d’un continent à l’autre, en Europe, en Amérique, en Asie, durant ces années de fascisme et de marche à la guerre. Ainsi on va rencontrer de nombreux personnages, historiques ou imaginés, des dirigeants politiques, des militaires, des scientifiques, des travailleurEs…

C’est dans cette ambiance que plusieurs physiciens de divers pays se retrouvent aux USA, sous l’autorité du pouvoir politique et militaire des États-Unis, pour travailler sur le « projet Manhattan », qui a pour objectif de mettre au point une arme puissante pour vaincre Hitler et ses alliés. Il se trouve que partout, en Allemagne, en Russie notamment, d’autres équipes travaillent sur le même objectif car les connaissances sur l’atome et son énergie ­considérable sont en pleine évolution.

Au fil des pages, nous en apprenons beaucoup sur les aspects scientifiques de la fission nucléaire, sur les galères des chercheurs, sur leurs certitudes puis sur leurs doutes et leurs craintes concernant la légitimité du projet, sur les pressions et le cynisme des militaires US. Mais aussi sur les essais, sur la bombe, sur les individus qui sont utilisés à leur insu pour étudier les effets du plutonium dans le corps, on voit les risques pris, sans connaitre les connaissances de leurs décisions, on voit les secrets entretenus pour mener à bien le projet de la bombe. Des scientifiques vont coopérer jusqu’au bout mais d’autres vont finir par s’y opposer, conscients de l’énorme danger et des conséquences ­dramatiques sur l’humanité.

Un travail de mémoire utile et efficace

Au fil des chapitres et des années, on sait bien comment ça va finir, on sait que deux bombes exploseront à Hiroshima et Nagasaki, que ce sera un massacre incroyable, en quelques secondes. On sait et pourtant, c’est raconté avec suspens, on craint le pire mais on espère que ça n’ira pas jusqu’au bout, pas une deuxième fois, ce n’est pas possible.

C’est très bien raconté, c’est très humain, on s’attache aux personnages, pas à tous évidemment, Les scènes dans les quartiers de Hiroshima, quelques jours, quelques heures avant l’explosion, sont très émouvantes. Les préoccupations, les espoirs, les inquiétudes, les problèmes posés, tout est très bien raconté. Évidemment la fin est terrible, le 6 août 1945 a bien lieu. Au total, un super livre, impressionnant et forcément pacifiste, anti­militariste, humaniste. Un gros travail de mémoire utile et très efficace.