Publié le Mercredi 1 mai 2013 à 19h21.

L’Italie entre fascisme et révolution

Par Henri Clément

Tant par la forme que par le contenu, la petite collection Eclairage des éditions Les bons caractères constitue une sorte de Que sais-je ? à destination des militantEs. Dans un volume ramassé, il s’agit de condenser les données principales relatives à un évènement ou une période et d’en fournir les principales clefs. Le titre consacré à l’Italie du « Bienno rosso » illustre bien les atouts comme les difficultés d’une telle collection. Pour le lecteur novice – c’est mon cas – elle parvient à dresser un panorama complet de la situation de l’Italie au sortir de la Première Guerre mondiale, en indiquant les principales données sociales et économiques et en brossant un portrait des organisations ouvrières, des débats qui les agitent. Elle permet également de saisir les principales dynamiques au cœur des évènements, tant dans l’industrie que dans les campagnes. Seul bémol : l’auteur cède parfois à une forme d’écriture à la fois téléologique et campiste, donnant l’impression d’une classe ouvrière prête à la révolution face à des appareils syndicaux ou politiques entièrement gagnés ou gangrenés par l’idéologie bourgeoise. Cette façon de voir fait l’impasse sur les débats internes au mouvement ouvrier, les oppositions, les conflits d’intérêts… Le format du volume, par nature, « pousse » à ce type de simplification, faute de place suffisante pour expliciter l’ensemble des nuances.

En ayant cet avertissement en tête, la lecture de l’ouvrage est particulièrement stimulante. Deux aspects méritent d’être soulignés : le premier concerne la relation du mouvement ouvrier italien aux armes et aux groupes de combat, qui se manifeste lors de la vague gréviste et qui resurgira après 1968. Cela conduit à s’interroger sur la façon dont les années de plomb, loin de se réduire à un « dérapage », s’inscrivent dans un temps long de la lutte des classes, dans lequel les expériences, bonnes et mauvaises, sont assimilées et deviennent des références par la suite. Il faudrait de la même façon discuter, en lien avec l’expérience italienne, comment la théorie de la grève générale mise en avant par la CGT a marginalisé sur le long terme les tentations militaristes au sein du mouvement ouvrier français par exemple . L’autre aspect important, qui nous interpelle plus concrètement, concerne la réponse à apporter aux mobilisations de type fasciste. L’exemple italien, souvent dissimulé derrière les écrits consacrés à la lutte contre le nazisme, doit être retravaillé et rediscuté. La remontée d’organisations d’extrême droite de combat, à l’exemple de l’Aube Dorée en Grèce, remet ce type de discussion à l’ordre du jour. Ce petit ouvrage est un volume utile pour toutes celles et ceux qui souhaitent disposer des repères principaux sur cette période.

 

Italie 1919 -1920, Les deux années rouges, Bruno Paleni, coll. Eclairage, Les bons caractères, 2011, 130 pages, 8,20 euros.