Publié le Dimanche 7 septembre 2014 à 07h05.

A l'Université d'été, un autre regard sur le centenaire de la Première Guerre mondiale

Il était indispensable que l’université d’été aborde la question. Pas principalement pour parler de l’horreur de la guerre, de la vie dans les tranchées, surtout pas pour s’interroger sur la folie des hommes, mais pour comprendre en trois séances pourquoi cette guerre s’est déclenchée, comment ont réagi les partis se réclamant du socialisme, et les formes de refus qui se sont exprimées.

La première séance réunissant une cinquantaine de participantEs présenta la nature de cette guerre impérialiste pour le partage du monde, pour la redistribution des colonies, des « zones d’influence » du capital financier. Celui-ci met en place une nouvelle division du travail, un déclin de l’Angleterre, une poussée de l’Allemagne mais dans un espace restreint, et une montée des États-Unis. Ces contradictions fondamentales se croisent avec les conflits nationaux instrumentalisées par les grandes puissances pour asseoir leur domination, et redessinent l’ensemble des empires en place.Après cette entrée en matière, nous avons abordé les débats des socialistes face à la guerre : les réformistes pour lesquels les réformes conduiront progressivement au socialisme, ceux pour qui le militarisme et la guerre ne sont pas des tendances objectives du développement capitaliste, et ceux pour qui l’impérialisme et ses contradictions créent les conditions d’une actualité de la révolution au sens historique, et au sens conjoncturel avec la guerre.Les positions réformistes expliquent la rapidité de l’implication des socialistes dans l’union sacrée avec leurs gouvernement traitée dans la seconde séance qui a été aussi l’occasion de revenir sur le parcours particulier de Jaurès, vrai pacifiste, mais aussi vrai républicain... Lors de la réunion du bureau socialiste international du 29-30 juillet 1914, aucun n’a l’idée de poser la question : que faire si la guerre éclate avant le congrès international prévu pour août 1914 à Vienne ?

Leur histoire et la nôtreEnfin, une soirée réunissant une centaine de personnes s’est tenue autour du film de Stanley Kubrick Les sentiers de la gloire, soirée animée par l’historien Alain Cuenot. Ce film de 1957, violente critique de l’armée française, longtemps censuré en France, s’appuie sur l’affaire de Souain. Le général a fait tirer sur son régiment dont les hommes refusaient de sortir des tranchées lors d’un assaut impossible contre une colline occupée par les Allemands, avant de faire exécuter quatre caporaux le 17 mars 1915. Il s’inspire aussi de l’histoire du sous-lieutenant Jean-­Julien Chapelant, exécuté, le 11 octobre 1914 après une parodie de procès, sur une civière posée le long d’un arbre...Cette soirée a permis de revenir sur ces fusillés pour l’exemple des premiers mois de la guerre – plus de 500 entre août 1914 et décembre 1915 – puis de débattre jusque tard dans la soirée sur les mutineries de 1917 à partir de la présentation d’Alain Cuenot. Cette soirée a été une nouvelle fois l’occasion de dénoncer les historiens réactionnaires qui développent largement l’idée du consentement patriotique qui expliquerait le courage des soldats : la contrainte a bien été le moteur principal et des refus ont existé dès le début, refus violemment combattus par les militaires !

Patrick Le Moal