Dès le lendemain de l’évacuation de la Sorbonne du 3 mai 1968, le Mouvement d’action universitaire (MAU), créé par des anciens militants de l’UNEF de la Sorbonne, est le premier à appeler dans un tract à la formation de comités d’action (CA). À l’instar du Mouvement du 22 mars, le MAU, qui existe depuis plusieurs semaines, estime que les structures syndicales ne sont plus adaptées à la situation. Il s’agit donc de dépasser les cadres préexistants au sein de nouvelles structures unitaires rassemblant par et pour l’action.
Dans un premier temps, il s’agit essentiellement de comités étudiants, sans oublier bien sur les comités d’action lycéens nés début 1968. Après la nuit des barricades et surtout la grève générale et les manifestations du 13 mai, les comités se multiplient. Le journal Action, lancé début mai et devenu quasi quotidien dans la seconde quinzaine, se présente comme le « journal des comités d’action », mais en réalité son équipe est formée de l’UNEF, des CAL, du SNESUP, du MAU, du Mouvement du 22 mars. En effet, il n’y a pas de véritable structuration nationale des comités d’action, mais des coordinations à l’échelle locale, la plus importante est celle de la région parisienne. C’est elle qui, lors d’une AG parisienne, précise ce que doivent être les CA : ce sont des comités faits pour l’action, non des comités de simple discussion, et des comités politiques dont l’objectif est le renversement du régime et la transformation révolutionnaire de la société. Ils ne doivent pas dépasser la trentaine de membres, et chaque comité choisit son terrain. Ce peuvent être les lieux d’étude ou de travail, des zones géographiques (quartiers, arrondissements, blocs d’habitations) ou thématiques, tel le comité des écrivains et étudiants révolutionnaires.
Les comités sont extrêmement hétérogènes et si le terme « comité d’action » est populaire, il sert à désigner toutes sortes de regroupements de personnes issues d’horizons politiques, syndicaux divers, et bien sûr d’une masse de nouvelles et nouveaux venuEs qui tiennent à agir.
À la fin mai, le PCF appelle à former des comités d’action pour un gouvernement populaire, perspective qui ne dure que le temps de la manifestation ayant le même mot d’ordre, appelée par la CGT et le PCF le 29 mai. L’UNEF n’y appelant pas, la CFDT suit le syndicat étudiant ; la FEN n’appelle pas non plus, à l’inverse de la coordination des comités d’action.
Les grévistes peuvent à la fois occuper les entreprises, et venir dans les CA de quartier où les discussions sont bien plus libres alors que, dans les entreprises, si l’on échange beaucoup, les AG sont limitées dans leurs contenus. Dans la plupart des cas, les comités de grève sont en fait les intersyndicales plutôt que des comités issus d’élections par les grévistes.
Ni comités ou conseils d’auto-organisation, à vocation de structures de double pouvoir, ni parti ou organisation politique, les comités d’action, quel que soit le nom qu’ils adoptent, sont des cadres d’action et de politisation, des lieux de rencontres. Ils perdurent en juin, permettent par les tracts et les affiches d’informer et de résister à la pression conjointe du pouvoir et du PCF visant à faire cesser la grève avant les élections. Certains demeurent encore actifs à l’automne. En tout état de cause, les liens sont restés forts, et réapparaissent sous d’autres formes dans les années qui suivent, à chaque fois que des comités unitaires se mettent en place pour soutenir des luttes locales, de locataires expulsés, de travailleurs immigrés, des paysans du Larzac, de Lip, ou dans la solidarité internationaliste.
Robi Morder