Plus de 200 000 bulletins affirmèrent les pouvoirs de la Commune ; ils n’avaient pas usurpé les pouvoirs comme l’avaient dit les Thiers, J. Favre & Cie.
Le suffrage universel avait légalisé le drapeau rouge de l’émeute. Les membres de la municipalité parisienne allaient siéger pour la première fois depuis 1793.
Cette fois nous avions la Commune !
Toute la population donnait la bienvenue à la révolution. Après tant de défaites, de misères et de deuils, il y eut une détente, tous étaient joyeux. Toutes les maisons étaient ornées de drapeaux rouges et de drapeaux tricolores. Sur la place, devant l'Hôtel de Ville, canons, mitrailleuses couchées sur leurs affûts reluisaient au soleil. Au front des bataillons de marche, comme aux fenêtres, les drapeaux rouges flottaient et se mêlaient aux drapeaux tricolores.
Devant l’Hôtel de Ville, une estrade avait été dressée pour les membres de la Commune, au milieu de la foule endimanchée qui les acclamait, les bataillons défilaient, descendant musique en tête. Au premier rang, les élus des arrondissements, conduits à l'Hôtel de Ville par les électeurs fédérés.
Cette fête était magnifique, grandiose. Nous eûmes quelques heures d’émotion ; à la tête des bataillons au repos, des cantinières en costumes différents, s'accoudent aux mitrailleuses, la foule est compacte, silencieuse, recueillie devant l’estrade, autel de la Patrie, adossé au temple de la révolution ! Trois coups de canon tirés à blanc retentissent.
Le silence se fait. Un membre de la Commune proclame les noms des élus du peuple, un cri s’élève, unanime :
Vive la Commune !...
Les tambours battent au champ, la Marseillaise, le Chant du départ retentissent. Les drapeaux viennent se ranger autour de l’estrade communale, la voix grave et sonore du canon répétée par les échos annonçait aux quatre coins de Paris la grande nouvelle :
La Commune est proclamée !...
Paris, abandonné par ses représentants, livré à lui-même avait le droit de constituer un conseil communal.
La Commune n’a jamais eu des intentions de gouverner la France, elle était une nécessité du moment, elle fut élue librement, elle voulait Paris libre dans la France libre.
Elle voulait affirmer la République et par elle arriver à une amélioration, non pas sociale, (une minorité seulement pensait ainsi) mais gouvernementale.
Enfin elle voulait une République plus équitable, plus humaine. La Commune s’occupera de ce qui est local.
Les départements, de ce qui est régional.
Le gouvernement, de ce qui est national, celui-ci ne pourra plus être que le mandataire et le gardien de la République, qui aurait probablement sauvé la France.
Les hommes du 4 septembre ne l’ont pas voulu, ils ont préféré s’imposer au pays. Qu’ont-ils fait ? Sis ont mieux aimé sacrifier la nation que d’accepter franchement la République.
Les hommes de la Commune, inconnus la veille, seraient devenus les rédempteurs du lendemain s’ils avaient pu réaliser leur idéal.
La bourgeoisie reproche à la Commune, qu’il y avait parmi eux des hommes tarés. En manquait-il parmi les hommes du 4 septembre ? Avaient-ils tous la conscience pure ? Ces Messieurs se permettent bien de juger le peuple sans le connaître. Nous qui les connaissons, les ayant vus à l’œuvre, nous avons le même droit.
Quel que soit le jugement de nos contemporains, les hommes de la défense nationale, dont M. Thiers était le chef suprême auront au front la tache sanglante d’avoir laissé l’ennemi écraser la France. Pour se venger d’un tel affront, résultat de leur maladresse et de leur incapacité, ces hommes se ruèrent comme des bêtes fauves sur les Parisiens, qui voulaient sauver l’honneur de la France outragée. Car ce n’est pas seulement à la Commune que Versailles a fait la guerre, c’est à Paris !