Après-midi studieuse, ce 1er novembre : une cinquantaine de personnes sont présentes pour débattre de deux livres récemment publiés par les éditions Syllepse.
Le premier ouvrage, les Soviets de Petrograd, les travailleurs de Petrograd dans la révolution russe (février 1917-juin 1918), était présenté par son auteur David Mandel.
Une étude sociologique, politique, culturelle
Un récit détaillé, fouillé, de la façon dont les prolétaires de Petrograd se sont engagés dans les différentes phases de la révolution. Un récit appuyé sur une sérieuse étude sociologique, politique, culturelle. Mandel nous décrit un prolétariat ni rêveur ni messianique, mais qui, à chaque étape cherche des solutions aux problèmes de l’heure. La fin de la guerre, de la misère, sont de bout en bout ses objectifs dans une guerre de classe sans merci qui met en évidence les trahisons successives des démocrates bourgeois, des réformistes de droite et de gauche. Seuls les bolchéviks portent ce programme jusqu’au bout, mais pour se retrouver à la tête d’un pays qui, isolé, ne remplit pas toutes les conditions d’un passage au socialisme. Deux lacunes : la place des femmes dans une révolution dont elles ont pourtant écrit le premier chapitre en février 1917 et une histoire, des débats, qui s’arrêtent à la porte des ateliers, comme si le despotisme d’usine se limitait à l’appropriation des moyens de production devenus propriété privée des capitalistes, et pas à la perte par les prolétaires de la maîtrise technique du procès de production.
Se réapproprier toute l’histoire de l’URSS
La deuxième partie de la réunion a été introduite et animée par Denis Paillard qui a présenté et rassemblé les textes de Moshe Lewin publiés dans Russie/URSS/ Russie (1917-1991). Il a d’abord insisté sur la nécessité de se réapproprier toute l’histoire de l’URSS : trop souvent, ceux qui se réfèrent à la révolution d’Octobre, tout en étant fermement antistaliniens, se désintéressent de ce qui s’est passé après 1927. Ils laissent ainsi le champ libre à des analyses erronées ou approximatives (notamment les tenants de la thèse du totalitarisme).
L’histoire de l’URSS est en réalité faite de continuités et de discontinuités. La révolution a été faite par d’authentiques socialistes révolutionnaires, mais les caractéristiques de la Russie de l’époque et les circonstances ont fait que le socialisme n’a jamais été d’actualité. L’impact de la guerre civile ne doit pas être minimisé : ce fut une catastrophe pour l’économie et la classe ouvrière tandis qu’au sein du parti, les mesures coercitives, au départ conçues comme temporaires, furent de plus en plus considérées comme la norme. Staline n’a pas collectivisé l’agriculture mais l’a étatisée. Son chauvinisme grand-russe, en rupture totale avec Lénine, infectera l’URSS jusqu’à la fin. Enfin, durant 70 ans, la société évolue, est de plus en plus complexe et, de diverses façons, résiste à un discours officiel auquel personne ne croit plus.
Robert Pelletier et Henri Wilno