Publié le Mercredi 29 juin 2016 à 22h16.

Crise du Brexit : pour l’unité et la solidarité, contre le racisme et le dumping social en Europe

Déclaration de la IVe Internationale1

1. Le résultat du référendum britannique est une étape supplémentaire dans la crise de l’Union européenne après la Grèce et la crise des migrants. Une large majorité d’électeurs en Angleterre et au Pays de Galles a voté pour le Brexit, imposant le « Leave » (la sortie) dans l’ensemble du Royaume Uni, malgré un résultat inverse en Écosse et en Irlande du Nord, un facteur de crise au sein de l’État britannique qui pourrait mener à un deuxième referendum sur l’indépendance pour l’Écosse.

2. Le discours xénophobe stigmatisant les immigrés d’Europe de l’Est, tenu par les principaux porte-parole du « leave », que ce soit Boris Johnson (Parti Conservateur) ou Nigel Farage (UKIP) a largement dominé la campagne. Ils ont ainsi réussi à polariser l’exaspération sociale profondément enracinée dans de larges couches populaires – celles qui ont été les principales victimes de l’austérité, des pertes d’emplois, des attaques contre les budgets sociaux. Cette exaspération s’est retournée contre les élites (à Westminster ou à Bruxelles). Malheureusement, à un niveau de masse, ce rejet de l’UE n’exprime pas à l’heure actuelle une radicalisation anti-austérité progressiste, mais un rejet des travailleurs migrants européens, boucs émissaires des pertes d’emplois, mélangé au rejet de l’Union européenne comme responsable des attaques qu’ils ont subies. Cela a conduit à des manifestations publiques de racisme et de xénophobie qui étaient devenues impensables depuis les années 1970 quand, entre autres, la Ligue antinazie a contribué à faire échec à la montée de l’extrémisme de droite.

3. La dynamique qui a conduit à la convocation du référendum britannique – notamment le développement de l’UKIP, soutenu par l’aile droite eurosceptique du parti conservateur (Tory) – signifie que le terrain sur lequel le débat référendaire a été réalisé en Grande-Bretagne était extrêmement défavorable à la gauche. Le parti travailliste était tiraillé entre d’un côté un rejet traditionnel de l’Union européenne, comme cela avait été le cas lors du précédent référendum en 1975, et de l’autre la pression de la majorité des forces syndicales pour lesquelles les politiques de l’UE avaient servi de bouclier contre certains des pires excès du néolibéralisme ainsi que le désir de rejeter la xénophobie anti-immigrés de droite de la campagne du « leave ». Les voix travaillistes défendant la sortie ont été plus relayées dans les médias que la position officielle du parti appelant pour un vote « Remain » (rester). Néanmoins seulement 37 % des électeurs travaillistes ont voté « leave ».

4. La campagne dominante du « Remain » est apparue comme celle des élites, d’une City arrogante, jouant sur la peur d’un désastre en cas de « Leave », alors que des millions de travailleurs britanniques ont déjà vécu un désastre social, imposé par ceux-là même qui cherchaient à les convaincre de rester dans l’Union.

5. Dans ce cadre, il était inévitable que les campagnes de gauche – « Une autre Europe est possible » (AEIP) pour voter « Remain » et celle de la gauche pour le « Leave » (« Lexit ») – aient une audience très limitée. Néanmoins, AEIP a bénéficié du soutien fort de John Mc Donnell, porte-parole sur l’économie et leader adjoint du parti travailliste, de la direction du Green party et de plusieurs dirigeants syndicaux, notamment Matt Wrack du Fire Brigades Union (syndicat des pompiers), ainsi que des milliers de militant-e-s à travers le pays.

6. Le résultat du vote laisse donc, au Royaume Uni, tous les travailleurs et les étudiants des pays de l’UE, au premier rang desquels les travailleurs d’Europe de l’Est, dans une situation très précaire, vulnérables aux expressions de la xénophobie attisées pendant la campagne. Des agressions physiques contre des migrants — notamment des Polonais — ont déjà eu lieu. De même, l’ensemble des travailleurs britanniques va subir, dans leurs emplois et leur pouvoir d’achat, les conséquences des manœuvres monétaires autour de la livre et de toutes les mesures éventuelles prises par l’UE. Aussi, loin de s’intégrer dans un plan progressiste de rejet de l’austérité et des politiques capitalistes, le vote « Leave » va conduire à une dérive encore plus réactionnaire d’un nouveau gouvernement conservateur, face à un parti travailliste sorti affaibli de ce référendum avec une forte campagne de la droite du Labour contre Jeremy Corbyn comme leader du parti. 

7. Les initiatives prises en Grande-Bretagne immédiatement après le référendum pour faire preuve de solidarité avec tous les travailleurs migrants sont très importantes et devraient être poursuivies et étendues. Malgré les divergences apparues durant la campagne du référendum au sein des forces radicales britanniques, la tâche est maintenant d’organiser dans l’unité la plus large possible le combat contre l’austérité et la solidarité avec les migrants, et contrer la campagne de la droite travailliste contre Corbyn et la gauche. 

8. Le « Brexit » affaiblit structurellement l’Union européenne, et provoque une crise de gestion au sommet dont on ne sait pas où elle peut aller. Mois après mois, les conséquences des diktats austéritaires se font sentir : après les votes de révolte du peuple grec en janvier et juillet 2015, la forte mobilisation française contre les attaques frappant les droits sociaux, ces derniers jours ont vu les lourdes défaites de Matteo Renzi lors des municipales en Italie.

9. L’absence totale de démocratie dans le fonctionnement de l’Union européenne, l’accumulation des exaspérations sociales face aux attaques menées par les gouvernements de droite et de gauche, s’exprime à chaque fois que l’occasion se présente pour l’électorat populaire. L’Union européenne détruit dans chaque pays les protections et les législations sociales, pousse à une mise en concurrence de tous contre tous, poussant vers la précarisation tous les travailleuses et travailleurs des pays européens.  

Malheureusement, le mouvement ouvrier en Europe et en premier lieu la CES (Confédération européenne des syndicats) ne joue pas son rôle de rempart et d’arme pour une défense internationale et solidaire des droits sociaux. Mais il n’existe pas pour l’instant de dynamique progressiste européenne pour transformer cette exaspération en remise en cause générale de l’austérité capitaliste. 

10. L’Union européenne est une institution bourgeoise que nous ne croyons pas réformable et qui devra être détruite pour créer une nouvelle assise pour la coopération entre Européens sur la base de la solidarité parmi les exploité-e-s et les opprimé-e-s.

11. Faire que cette crise de l’Union européenne tourne à l’avantage des exploité-e-s et des opprimé-e-s nécessite un niveau de cohésion politique et sociale des forces anticapitalistes radicales qui reste totalement à construire aujourd’hui au niveau européen. 

12. Dans cette situation, nos tâches sont multiples :

• Au niveau européen encourager toutes les initiatives de lutte contre l’austérité (Conférence de Madrid etc.) imposée par l’UE, tout en expliquant clairement la responsabilité des bourgeoisies nationales au niveau de chaque État-nation, dénoncer la mise en concurrence des travailleurs en Europe et lutter pour une convergence vers le haut des droits sociaux et des salaires ;

• Combattre ensemble contre le paiement des dettes publiques illégitimes et contre les traités anti-démocratiques tels que le « partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (PTCI, TTIP en anglais) et « l’accord économique et commercial global » (AECG, CETA en anglais) ;

• Populariser et organiser la solidarité avec toutes les luttes populaires contre les politiques imposées par la troïka (Grèce, Portugal...) ;

• Poursuivre la solidarité avec les migrants et leurs revendications pour le droit aux prestations, à la résidence et au travail dans l’UE, pour l’ouverture des frontières et pour le renforcement de nos liens avec les organisations des migrant-e-s ;

• Promouvoir et nourrir le débat entre la gauche radicale européenne sur les perspectives pour la construction d’une Europe nouvelle – anticapitaliste, antiraciste, écosocialiste et féministe.

 

  • 1. Cette déclaration a été adoptée le 28 juin 2016 par le Bureau exécutif de la IVe Internationale.