Publié le Mardi 18 février 2014 à 14h11.

Mais qu’est ce qu’il est allé faire là ? A propos de la rencontre CGT-CRIF

Par Michel Warschawski, sur Facebook

« Qui dort avec un chien ne doit pas ne doit pas être surpris de se réveiller avec des poux » me disait ma grand mère maternelle, femme pieuse et pleine de bon sens. C’est ce qu’elle dirait sans doute aussi aux dirigeants de la CGT qui viennent de rencontrer le CRIF, et se sont vu manipules dans les grandes lignes. « Je suis très étonné de découvrir un compte-rendu a la fois partiel et erroné de la rencontre que nous avons eue… » écrit le secrétaire de la CGT, Thierry Lepaon au président du CRIF, qui poursuit en décrivant les méthodes peu civiles, voire manipulatrices, de l’organisation soit-disant représentative des Juifs de France. Manipulée, c’est bien le mot, mais une connaissance, même superficielle, des méthodes de cette institution aurait pu éviter la surprise qui semble être celle de la direction de la CGT.

Une question s’impose : pourquoi la CGT est allé rencontrer le CRIF, alors que la direction de la centrale ne cessent de fustiger le «communautarisme », en particulier quand il s’agit des Musulmans de France ? Thiery Lepaon est-il allé rendre visite aux organisations musulmanes de France ? Et que doivent en penser les milliers de syndicalistes de culture ou de confession musulmanes ? Comment s’étonner alors que sur le net, on trouve depuis deux jours des appels a la constitution d’un syndicat musulman, ce qui serait une catastrophe pour le mouvement ouvrier français ? Alors, une fois de plus, pourquoi ?

L’ancien responsable du département international de la CGT, Jean-Pierre Page, accuse Thierry Lepaon de « se moquer du monde » en essayant de se justifier : « Pourquoi avec le CRIF ? Est-ce parce que la CGT aurait fait le choix de rejoindre la cohorte des conformistes qui semblent croire qu’il faut être bien avec le CRIF parce qu’il serait influent ? » Si tel était le cas, ce serait plus que préoccupant, car cela signifierait reprendre, involontairement j’en suis certain, la thèse antisémite selon laquelle « les Juifs (en l’occurrence le CRIF) contrôlent tout », et que pour faire avancer les choses il vaut mieux avoir le CRIF de son cote.

A la différence de Jean-Pierre Page, je pense que cette rencontre avec le CRIF – dans la foulée des pitreries antisémites de Dieudonné – est plutôt destinée à montrer que la CGT n’est pas antisémite. Indécent et faux calcul : indécent car la CGT, qui a été a la pointe de la lutte anti-fasciste, n’a pas a démontrer son anti-racisme, et certainement pas a Roger Cukierman, celui-la même qui après l’assassinat de Mohamad el-Dura, proposait a Ariel Sharon de « faire contre-feu », en lançant l’accusation infamante d’antisémitisme contre quiconque critiquerait la politique israélienne. Instrumentaliser l’antisémitisme et accuser d’antisémitisme des personnes de l’intégrité morale d’Edgar Morin, Stéphane Hessel ou Daniel Mermet est une gifle aux millions de victimes de l’antisémitisme.

Faux calcul aussi, car quand on cède une fois a un maître chanteur, on sera oblige de continuer a payer sans fin, et, dans ce cas, a faire allégeance a l’Etat d’Israël et ses dirigeants sous peine d’être a nouveau accuse de ne pas être suffisamment net sur la question.

Le secrétaire général de la CGT a été somme par le CRIF de s’expliquer sur le boycott d’Israël. Loin de saluer la campagne BDS, a laquelle participent de très nombreux militants syndicalistes, y compris la CGT, il s’est justifie en expliquant que la CGT était contre le BDS, mais s’opposait a la criminalisation de ceux qui appellent au boycott. C’est bien la moindre des choses, quand on sait que des militants CGT sont parmi les accuses… Son argument, rabache par la direction confédérale depuis des années, selon lequel se sont les travailleurs (Palestiniens et Israéliens) qui pâtissent du boycott a été celui de ceux qui, a gauche, s’opposaient au boycott de l’Afrique du Sud a l’époque de l’apartheid, malgré l’appel en ce sens de l’ANC et des syndicats sud-africains.

Il ne fait pas de doute que des milliers de syndicalistes CGT et de structures syndicales vont exprimer leur indignation face a cette initiative de leur direction confédérale, et sur le BDS. Ce sera sans aucun doute la seule incidence positive de cette honteuse visite.