Entretien. Une délégation de 26 participantEs 1 de dix pays européens s’est rendue en Ukraine du 3 au 6 mai à la rencontre du mouvement social, féministe et syndical d’Ukraine et en coordination avec le Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine. À cette occasion, nos camarades Olivier Besancenot et Daria Saburova ont réalisé une série d’entretiens avec des militantEs anticapitalistes, antifascistes, féministes, anarchistes, syndicalistes du rail et de la santé… Nous publions dans nos colonnes l’interview de Vitalyi Doudine, de l’organisation Mouvement social. L’intégralité des entretiens est à retrouver sur notre site, sur notre chaîne YouTube et sur les pages Facebook de l’Anticapitaliste et d’Olivier Besancenot.
Peux-tu te présenter et nous parler des activités de Mouvement social ?
Je m’appelle Vitalyi Doudine, je suis à la tête du bureau de Mouvement social, une organisation socialiste et démocratique qui se bat pour les droits des travailleurEs. Mouvement social a été créé il y a sept ans, en 2015, par des militantEs de gauche et syndicalistes.
Aujourd’hui, l’Ukraine fait face à l’agression destructrice de la Russie. Le 24 février, le régime de Poutine a débuté, sans avoir été provoqué, une offensive totalement déraisonnable contre l’Ukraine. Cela a causé, jusqu’à maintenant, des milliers de morts. Cela a causé la destruction de milliers de maisons. Cela a causé la perte des revenus pour des millions de gens. Et dans une telle période, c’est un vrai problème que notre gouvernement soit toujours mû par des politiques de marché, néolibérales, car ces politiques placent les intérêts des entreprises avant ceux des travailleurs et travailleuses. Nous nous battons donc pour l’indépendance de l’Ukraine contre l’envahisseur russe, mais dans le même temps nous nous battons pour le socialisme qui assure plus de protection à tous les travailleurEs.
Aujourd’hui, le statut de l’ONG Mouvement social est un statut légal, d’organisation de la société civile. Avant la guerre, nous avons organisé différents rassemblements en faveur des travailleurEs. Nous avons soutenu la grève des mineurs, nous avons soutenu les mobilisations et les revendications des infirmières, des cheminotEs, etc. Et dans chaque cas nous avons expliqué que nous ne nous battions pas uniquement pour les intérêts de tel individu ou de tel groupe, mais que nous nous battions pour la transformation de la société tout entière. Nous nous battons contre l’oligarchisation, contre l’austérité, contre les réformes néolibérales.
Nous disons dans notre matériel et notre communication publique que nous sommes en faveur du socialisme. Mais nous ne nous battons pas pour un socialisme à la soviétique, nous sommes pour le futur, pas pour le passé. Nous sommes pour la démocratie, pas pour les idéologies conservatrices.
De quel type de soutien avez-vous besoin ?
Nous faisons la différence entre une aide ciblée et une aide globale, plus politique. Beaucoup de travailleurEs, notamment dans les syndicats, reçoivent de l’aide de notre organisation. Nous apprécions beaucoup toute aide humanitaire à notre intention, que nous pouvons distribuer aux personnes dans le besoin. Celles qui sont sur la ligne de front, celles qui vivent dans des villes envahies ou menacées d’invasion, celles qui sont réfugiées, qui vivent sans revenus et sans logement dans d’autres villes. Tout cela est évidemment très important. Les gens ne souffrent pas seulement de la guerre qui a été lancée par l’impérialisme russe, mais ils souffrent aussi des politiques néolibérales inefficaces.
Et si nous parlons d’aide politique, disons que vous pouvez nous aider en faisant de l’Ukraine et de son indépendance une question centrale. Vous pouvez aussi nous aider en combattant les mythes de la propagande de Poutine. Ils donnent au monde entier de faux arguments, tel le fait qu’ils combattraient la « nazification » de l’Ukraine : ce sont des mensonges ! Les gens en Ukraine ne sont pas des nazis, ils veulent juste vivre dans un État indépendant ! Nous apprécions que nos camarades des organisations de gauche, socialistes, décrivent le régime de Poutine comme conservateur, autoritaire et en réalité pro-fasciste. Les arguments politiques de Poutine doivent être combattus.
Et nous devons aussi combattre le système capitaliste global, car cela nous aidera à construire une politique réellement indépendante en Ukraine, créant l’opportunité pour une véritable politique de gauche dans notre pays. Je pense par exemple à la revendication de l’annulation de la dette ukrainienne à l’étranger, ou au combat contre les paradis fiscaux. Cela peut aider l’Ukraine à se reconstruire et, en même temps, ce serait une première étape contre l’injuste système politique néolibéral mondial.
1 – Des parlementaires polonais (Paulina Matysiak, Razem), suisse (Stéfanie Prezioso, députée du canton de Genève, Ensemble à gauche), danois (Soren Sondegaard, Red Green Alliance), finlandais (Veronika Honkasalo, Left Alliance), ainsi que des représentantEs de mouvements de solidarité français, britannique, belge et catalan. Du côté français, étaient présentEs dans la délégation des camarades du NPA (Catherine Samary et Olivier Besancenot), de PEPS (Patrick Farbiaz), de la Fondation Frantz-Fanon internationale (Mireille Fanon-Mendès France), d’Ensemble ! (Laurence Boffet et Roland Mérieux).
Vidéo de l'entretien avec Vitalyi Doudine : https://www.lanticapitaliste.org/videos/semaine-de-solidarite-avec-la-resistance-ukrainienne-vitalyi-doudine