Publié le Mercredi 6 février 2013 à 17h02.

Quelle Syriza (ou Antarsya) les anticapitalistes veulent

Le succès électoral de Syriza (Coalition de la Gauche Radicale), dont les résultats dans les dernières élections Grecques ont réussi a rendre nerveux le capitalisme Européen en pleine vague de   « déficit 0 », est devenu le Saint Graal de la gauche alternative Européenne. Cette convergence de groupes autour du parti eurocommuniste Synapismos répondait à la demande d'un « gouvernement des gauches ». Sa croissance spectaculaire a créé des illusions et désorienté de la même manière l'ensemble des organisations à la gauche du social-libéralisme, et nous a obligés à réfléchir aux réponses à donner au sein de chaque pays.

Face à la chute inexorable du bipartisme Grec (dont l'effondrement total du PASOK), qui a mis la corde au cou des classes populaires depuis le début de la crise, et une désespérante asphyxie économique et sociale, face à l'orthodoxie soviétique d'un KKE momifié refusant de se joindre au mouvement des places (les Indignés Grecs) et au mouvement étudiant, Syriza s'est présenté comme l'alternative électorale la plus attractive, récemment mise en avant, et surtout avec une réelle possibilité d'être une solution gouvernementale.

Et c'est en effet le cas dans la situation institutionnelle Grecque : si la situation continue ainsi, avec une telle instabilité parlementaire, un parti comme Syriza pourrait se retrouver au gouvernement dans quelques mois, plutôt que dans quelques années, Avec l'image rafraîchissante d'un jeune leader comme Alexis Tsipras, qui a fait ses armes dans le mouvement altermondialiste et anti-guerre, avec un langage différent des professionnels de la politique. Mais penser que seul la chute des forces politiques traditionnelles et la force d'un leader ont amené cette coalition antilibérale à être une menace pour le système Européen serait un peu simpliste

C'est un important travail militant dans les rues et les quartiers, main dans la main avec les combatifs mouvements sociaux Grecs, la participation au syndicalisme de base et leurs dénonciations de la cogestion, l'insistance sur un contre-pouvoir venu d'en bas, grève après grève, au cours de 25 journées de grèves générales, qui a amené à ce résultat électoral, plus que Syriza en soi. La coalition est est le produit de la crise capitaliste Grecque, ainsi que d'une habile stratégie marketing. Elle est passée d'un statut de quasi absente des institutions Grecques, jusqu'à aujourd'hui faire de l'ombre au puissant KKE.

Cette émergence, et la conjoncture sociale, ont obligé à mettre d'accord (avec comme axe permanent Synaspismos, intégré depuis plusieurs années au système parlementaire), des courants eurocommunistes comme AKOA, des éco-socialistes et altermondialistes, mais aussi des petites organisations maoïstes (KOE), trotskystes (DEA, Kokkino) et des militants des mouvements sociaux, dans un front commun, sans direction collective mais avec une présence militante dans les rues et une expérience de grandes mobilisations. Son opposition aux memorandums de la Troika et son message selon lequel était possible un « gouvernement des gauches » ont fait le reste

Syriza s'est ainsi convertie en paradigme et en totem d'un « autre monde possible », à un acronyme magique que la gauche radicale doit savoir prononcer pour devenir un rempart au système au sein des institutions et lié à une base sociale en lutte. Ainsi serait-il possible de résoudre le problème clé de ressusciter une gauche alternative Européenne prisonnière depuis des décennies de la logique mortelle du moindre mal, et réactualiser des propositions de rupture plus ou moins crédibles qui permettraient d'en finir avec la léthargie et la lente désespérance face à la crise économique, cette crise qui condense les temps de réaction et oblige à être debout face aux attaques 

En l'espace d'un an, la gauche parlementaire Européenne, affaiblie, est devenue solidaire des événements Grecs et a maintenant envie de reproduire la même chose dans chaque pays. Il semble qu'elle ait été hypnotisée par la perspective d'une victoire électorale de Syriza. La majorité de ses partis se sont mis à leur apporter un soutien inconditionnel sans comprendre beaucoup de choses aux rapports de forces internes à la société Grecque, son reflet sur la scène politique, et la spécificité et histoire de cette coalition très plurielle de partis.

Le cas Grec n'est pas vraiment applicable à la France ni à l'Espagne. Le Front de Gauche, dirigé par celui qui fut secrétaire d'Etat à l'enseignement professionnel du gouvernement social-libéral de Jospin, cherchant à le faire oublier, s'est érigé comme LA gauche radicale, la seule possible, capable de canaliser dans les élections la colère contre les marchés, et à travers une alliance avec le Parti Communiste. Ici en Espagne, Izquierda Unida se revendique du phénomène Syriza. Rien de plus éloigné de la réalité comme nous le verrons.

Etat Espagnol : IU ne peut pas devenir Syriza

Définitivement ce projet ne passera pas par la gauche antilibérale Espagnole. Nous avons une Gauche Unie en lambeaux et dédiée aux institutions, obligée de sortir dans la rue pour sa propre survie, à cause de la crise économique et des dynamiques en cours depuis le début du Mouvement du 15M, effrayée parce qu'elle fait partie de la caste politique stigmatisée par les Indignés. Ce n'est plus la force agglutinante de la fin des années 80, même si elle essaye  « d'enlever ses cravates » sans quitter les institutions du coin de l’œil. IU n'a rien de nouveau à offrir, ni ne sort de l'establishment. Probablement est ce l'alternative électorale à un bipartisme en crise et qui s'écroule en même temps que les institutions nées de la Transition, auxquelles IU a aussi contribué grâce à ses renoncements et à sa logique du « moins pire », mais ce n'est pas l'alternative antisystème. Ils vont sans doute croître à court terme, plus par la faute et le discrédit du social-libéralisme, que par le fait d'offrir une illusoire protection à la classe ouvrière. Dans la situation que nous vivons, la logique aurait du être un  tournant programmatique radical similaire à celui de la gauche antilibérale Grecque, ce qui aurait amené IU à des résultats beaucoup plus dignes.

Son projet actuel est de profiter et d'être un parasite habile d'un PSOE en chute libre, et d'imposer un rapport de force suffisant pour négocier en bonne position des pactes dans les municipalités et les parlements régionaux. La bureaucratie du Parti Communiste Espagnol a refusé  sine die  une refondation en laquelle ni elle ni ses propres militants ne croient. De Llamazares a Lara, au delà d'un discours plus radical et agressif envers le PSOE, la continuité est évidente et les contradictions perdurent, comme a pu le montrer la situation en Extremadure 

Tout à l'inverse de leurs exemples Grecs, qui ont rompu toute identification avec les syndicats et sont descendus dans les rues avec les militants les plus honnêtes et radicalisés, quand leurs bureaucraties tardèrent tant à se détacher de la politique de concertation avec le PASOK, IU ne s'est pas opposée aux centrales syndicales quand celles ci se ont plié face au grand capital. Pas une seule critique sur la réforme des retraites de Zapatero, quand IU aurait pu capitaliser sur le refus de celle-ci par la gauche sociale. Inexplicablement ils annoncèrent qu'ils ne combattraient pas des décisions dégoûtantes, pour ne pas contribuer à la campagne médiatique de la droite contre le PSOE. Démontrer qu'on peut être indépendant du PSOE n'est pas crédible de cette manière. Après avoir déclaré que les deux partis du système étaient les mêmes et avoir appelé au vote rebelle et anticonformiste, ce qui a créé des illusions chez les Andalous de gauche, l'attraction institutionnelle est devenue pour la énième fois l'option de « bon sens » et « responsable » de ses dirigeants, celle « qui compte le plus en ce moment ». Griñan (président de la Communauté Andalouse, dirigeant du PSOE) et Valderas  (vice-président et dirigeant d'Izquierda Unida) sont aujourd'hui les bons élèves de Rajoy Ils licencient des professeurs, cassent la santé et privatisent les services publics

C'est précisément le pacte avec le social-libéralisme comme « mur de défense » (contre la droite) qui différencie IU, bien que venant de la même tradition, du projet de Syriza, Jamais dans sa courte histoire la coalition de Tsipras n'a gouverné avec Papandreou et Venizelos, refusant jusqu'à aujourd'hui l'entrée dans un possible gouvernement. Nous pouvons dire que l'identification de IU avec la gauche radicale Grecque est le désir de se convertir en ce qui était encore impossible il y a peu de temps. 

Nous avons l'exemple de comment IU en Galice, motivée par les sondages et profitant des scissions internes au Bloc Nationaliste Galicien, a tenté de lettre sur place un « bloc des gauches », mimétique de la coalition Grecque, avec le secteur social-démocrate de Beiras (dirigeant du Bloc Nationaliste Galicien). La réalité est qu'IU n'a jamais écarté de pacte avec le social-libéralisme, malgré les doutes qu'il pourrait y avoir à ce sujet, malgré un discours radical et désobéissant, avec des allusions au non-paiement de la dette et à la défiance envers le système. Il faut voir les conséquences d'une expérience construite dans des conditions qui n'ont rien à voir avec la Grèce.

Il est indéniable que l'existence de Syriza constitue une bonne référence actuelle pour IU. Syriza appartient aussi au Parti de la Gauche Européenne. Même si les dynamiques de la genèse du parti Grec sont très éloignées de celles d'IU, la visite de Tsipras en Catalogne pour faire gagner des votes à la campagne de ICV (Iniciativa per Catalunya Verds , coalisée avec IU en Catalogne) montre en effet que Syriza n'est pas très conséquente . Nous ne cessons en effet d'être surpris par IU, dont les dirigeants ont envoyé les CRS contre les étudiants manifestant contre le Plan Bologne, et qui apporte son soutien à Syriza, qui inclus dans son programme la dissolution des forces antiémeutes.

Tournant institutionnel et responsable : jusqu'où va Syriza

La lutte des classes continue à s'aiguiser en Grèce, en même temps que les institutions se décomposent. Même si le gouvernement tripartite a réussi à sauver les meubles et à gagner du temps en négociant sa soumission et son humiliation par la Troika, la rue continue d'être le scénario des masses qui ne se résignent pas à baisser la tête face à la sauvagerie chaque fois virulente du capital. Dernièrement : 4 grèves générales accompagnées d'occupations. Parallèlement à l'approfondissement des mesures d'austérité, ont lieu des mouvements extra-électoraux de construction de la gauche.

Dans ce contexte, Syriza a combiné une certaine hégémonie dans la rue, avec une opposition parlementaire au gouvernement de Samaras. Tsipras a gagné de la sympathie à chaque refus des mesures d'austérité. Tandis que coup par coup les partis de gouvernement déclinent, Syriza dépasse Nouvelle Démocratie (la droite) depuis l'été dernier, tandis que se dessins comme troisième force menaçante les nazis d'Aube Dorée, qui sèment la terreur avec leurs raids meurtriers contres les immigrés. Un autre scénario pourrait se dessiner dans l'ombre, dans lequel Synaspismos, la composante majoritaire et social-démocrate de Syriza, reprenne le contrôle.

Après la troisième grève grève convoquée en novembre, suite aux deux journées du 14 contre la visite d'Angela Merkel, qui venait passer ses élèves en revue, l'approbation de nouvelles mesures a causé de nouvelles désertions dans le camp des partis du memorandum, affaiblissant l'image du gouvernement. A cela s'ajoute un scandale majeure d'évasion fiscale (la liste Lagarde) découvert le mois d'avant, qui a obligé les partis du gouvernement tripartite à sacrifier les députés qui réclamaient l’éclaircissement des responsabilités 

Face aux possibilités ouvertes à l'opposition par le discrédit du gouvernement Grec qui se désagrège lentement, Synaspismos réclame ouvertement depuis l'automne dernier des élections anticipées, face à la difficulté manifeste pour le gouvernement de faire approuver des nouvelles mesures d'austérité et en même temps d'appeler à un gouvernement d'unité nationale incluant Syriza. Revendication partagée avec les Grecs Indépendants, parti de droite nationaliste anti-Troika, avec lequel Syriza a eu des discussions ; ainsi que par de nombreux anciens militants du PASOK qui ont intégré l'aile droite de Syriza.

Après les élections, Synaspismos a proposé la transformation urgente de Syriza en un parti de masse unifié, type Bloc de Gauche Portugais, constituant la première tentative d'intégrer et contenir les forces les plus radicales ; cette mutation dans le but de paraître plus « sérieuse » aux yeux de la classe dominante. Des organisations comme DEA étaient réticentes, expliquant qu'une telle mutation serait controlée de haut en bas par Synaspismos. Le processus a été freiné par la dynamique sociale et l'opposition des secteurs de gauche de Syriza, et reporté au printemps.

 

Selon les analystes, le projet de Syriza est de réussir à entrer dans un gouvernement avec un soutien populaire suffisant pour réussir à imposer une renégociation du mémorandum. Cela amènerait des changements dans son programme maximal, déjà substantiellement revu à la baisse aux élections du mois de juin dernier. Ainsi s'expliquent les déclarations de Tsipras avant Noël sur un « gouvernement de responsabilité » et l'omission, pour la première fois, de sa proposition de « gouvernement des gauches » . Le jeune leader de Syriza a oublié en disant ça qu'il ne parlait pas au nom de Synaspismos et du groupe majoritaire, mais de toute la coalition. Ils réclament la convocation urgente d'élections comme unique porte de sortie d'une spirale dans laquelle est entrainée la société Grecque avec le nouveau memorandum. Dans un climat d'impatience et de discrédit total, réclamant la chute controlée du gouvernement pour le printemps, après avoir appliqué les exigences de la Troika, arrivera l'opportunité de Syriza : accepter un gouvernement « technique » de salut national des partis représentés au Parlement, à l'exclusion d'Aube Dorée ; ou bien accepter de remettre les doigts dans un processus électorale plus favorable.

Que s'est-il passé avec cette « gauche de la gauche », convertie en quelques mois en exemple que tout le monde s'est mis à contempler, capable de faire face sans se soumettre à la voracité de la crise capitaliste ? Malheureusement, la direction de l'organisation ne paraît pas comprendre l'ampleur du défi, et ne sait ni ne veut se préparer à la violence des affrontements à venir. Les courants anticapitalistes ont exprimé leur inquiétude de se voir entraînés dans ce tournant « responsable » . L'utilisation des exemples du Brésil et de l'Argentine comme référence pour l'Amérique Latine est la goutte d'eau qui fait déborder le vase

Le programme actuel de Syriza se modère graduellement et s’accommode d'être strictement un programme de gestion d'un Etat en crise. Même les déclarations sur une renégociation de la dette avec les institutions de l'UE sont d'une crédibilité douteuse et se limitent au sauvetage des restes de l'Etat-providence, un second New Deal, à l'image de ses référents Latino-Américains. La perspective d'un socialisme possible en Grèce n'est plus mentionné dans ses déclarations post-électorales. Synaspismos a besoin de réaliser maintenant son tournant responsable, que les chancelleries attendent de Tsipras comme d'un potentiel chef d'Etat.

Nous nous trouvons face à une des possibles et décevantes issues de la gauche antilibérale qui a créé le plus d'illusions, dans l'agonie de l'Europe du capitale et de la dette. Syriza s'est servie habilement des mobilisations de la dernière année et de la montée de la lutte des classes en Grèce, pour la freiner progressivement à mesure que le tapis rouge lui était déroulé. Dans le même temps, Syriza gagne ainsi le respect de l'UE en facilitant la stabilité pour la Troika, dans un moment où les pays d'Europe Occidentale arrivent plus ou moins à un accord pour répondre ensemble à la crise, comme nous avons vus le 14 novembre dernier.

Les manœuvres de Synaspismos cherchent à faire entrer Syriza dans un gouvernement de renégociation des memorandums, ce qui signifierait un authentique suicide pour la coalition et ferait s'écrouler tous les espoirs que lui portent la classe ouvrière Grecque. Le plus grave est que la majorité des organisations l'aident, pour favoriser l'unité de la coalition. Après avoir lancé des signaux de ruptures dans le contexte des élections, le « gouvernement des gauches » s'est converti en gouvernement technique de majorité parlementaire, béni par Bruxelles, et disposé à appliquer un  memorandum « light »

On pourra dire, comme on a entendu ici en Andalousie, que les conditions ont changé, que la réalité est différente, qu'il faut être responsables. Le keynésianisme que revendique Tsipras deviendrait une « austérité de gauche ». La porte de sortie d'une telle frustration, par l'incapacité de porter un programme et avec des pressions géopolitiques et économiques extrêmement fortes, ne serait autre que le fascisme, comme catalyseur du désenchantement 

La réponse anticapitaliste : Antarsya continue la lutte dans la rue 

Face à cette perspective, il n'y a pas de doute que la clé et l' urgence sont la réaction et la mobilisation soutenues. La seule pression de la rue peut défaire un gouvernement, mais une gauche qui ne se dit pas réformiste et qui négocie les intérêts des classes populaires avec le grand capital, fait croître un scénario dans lequel celui-ci ne rencontrera pas d'obstacles à ses intérêts. Face à un tournant inattendu de Syriza, la gauche révolutionnaire ne peut pas attendre.

Au cours du premier congrès de Syriza, les organisations à gauche de la coalition, particulièrement DEA et Kokkino, se sont regroupées sur la Plateforme de Gauche, pour défendre une orientation radicale de dialogue et de rapprochement avec Antarsya, et dans une moindre mesure le KKE, sentant le changement d'orientation et la modération impulsée par Synaspismos, allié aux écologistes, et au grandissant groupe des ex-PASOK. De manière inattendue, la direction a finalement obtenu le soutien des eurocommunistes d'AKOA et des ex-maoïstes du KOE, une fois de plus au nom de l'unité du parti pour la période à venir.

Synaspismos a tenté d'empêcher la discussion politique pour éviter un débat ouvert, et les divergences politiques se sont exprimées avec l'élection de la nouvelle direction. La liste « unitaire » a obtenu trois fois plus de voix que la Plateforme de Gauche, assumant son rôle subalterne à la direction, comme conclusion du changement d'orientation de Syriza après les élections. Kokkino a dénoncé ce tournant imprévu, les discours vides de Tsipras, et l'élimination de tout référence au « gouvernement des gauches ». DEA a hésité entre l'incrédulité et le soutien critique, toujours plus inconfortable.

La convergence des militants révolutionnaires de Syriza avec ceux d'Antarsya, coalition anticapitaliste plurielle, dont l'importance dans les luttes est reconnue, avec une force militante supérieure à ce qu'ils attendaient, et un poids majeur dans le mouvement étudiant, est nécessaire.

La situation en Grèce est proche du point de rupture. Détruire le  mur du mémorandum est possible et absolument nécessaire par l'unité dans les luttes. La gauche qui ne souhaite pas seulement défaire la Troika, mais aussi les institutions bourgeoises et le système qui les portent, exige des réponses sur une ligne claire et bien définie. Syriza a  interpellé Antarsya  juste avant les élections, en réponse celle-ci demande à la coalition de faire partie d'un front anticapitaliste et antifasciste, sans préalables.

Antarsya s' adresse directement à DEA, Kokkino et à toutes les organisations qui font partie ou sont proches de la Plateforme de Gauche, pour mettre en place un agenda de mobilisations soutenues. Pour le moment, a prévalu l'unité d'action de tout Syriza, dans un agenda marqué par le calendrier des initiatives parlementaires et des contacts internationaux de Tsipras et de la direction.

Il n'y a pas eu pour l'instant de réponse pour quelque chose de plus large. Si la caractérisation d'Antarsya au sujet des organisations anticapitalistes membres de Syriza n'est pas la plus conciliatrice, elle démontre la grande difficulté de l'opposition interne de DEA et Kokkino, qui n'arrivent pas à disputer à la direction l'orientation révolutionnaire nécessaire pour armer la rue et maintenir la dynamique de révolte permanente de tant de militants honnêtes au cours des 2 dernières années. 

Cela veut dire qu'il fait continuer à se faire entendre à Syntagma, mais sur la place, et pas à l'intérieur du parlement, qui a si souvent été une cage pour les députés. Malheureusement, actuellement, Syriza, ne souhaite pas recevoir de pressions importantes de la gauche, mais seulement de la droite. Ont débuté des discussions et des contacts discrets de l'entourage de Tsipras, avec leurs anciens camarades de DIMAR (scission de Synaspismos), la composante la moins influente du gouvernement mais la plus proche, pour une collaboration gouvernementale.

Antarsya, qui à la différence du KKE, ne s'attaque pas à Syriza comme adversaire idéologique ni comme ennemi de classe, en soutenant la revendication de sortie de l'Euro et de l'UE, à l'opportunité de favoriser les mobilisations, et nous de l'aider. La société Grecque est dans un état critique, compliqué par le jeu de pressions externes et internes.

Les conditions de la crise économique et systémique ont créé une poudrière sociale qui peut exploser à tout moment, indépendamment des souhaits, des plans ou des estimations d'une direction réformiste qui pense avoir tout calculé. Avec la crise économique mondiale, les forces du capital nous conduisent à une régression historique sans précédent, et ceux qui veulent en finir avec ce système doivent être à la hauteur.

La brutalité des fascistes d'Aube Dorée ne simplifie pas la stratégie de la gauche Grecque, et bouleverse les forces politiques. Syriza condamne à l'intérieur du parlement les attaques contre les immigrés et les militants, exigeant des réponses d'un gouvernement qui applique d'une main de fer une politique migratoire d'expulsions massives. Syriza a choisi de ne pas s'unir à Antarsya et au KKE dans un front unitaire antifasciste, dans les rues et les quartiers des villes Grecques, décision très critiquée par sa base

Évidemment, l’arène de la rue n'aide pas à la respectabilité. La gauche anticapitaliste Européenne se tromperait en mettant en avant les capacités de mobilisation de la société Grecque, au cours des deux dernières années avec Syriza, sans analyser les manœuvres de sa direction et majorité pour les freiner, tout d'abord avec la modération de son programme en juin, en même temps qu'ils discutaient avec Antarsya pour une tentative d'accord électoral (conclu par un échec). Et aujourd'hui  avec la recherche d'un « espace responsable » qui leur ouvrirait les portes du gouvernement. Le seul scénario Européen  envisageable pour les révolutionnaires dans un futur proche ? 

Que Syriza ne soit pas ce qu'on nous a vendu depuis le début paraît évident. La réponse défensive aux attaques sans pitié du capital, a permis jusqu'à maintenant au KKE, à Antarsya et à Syriza d'avancer ensemble dans les grèves, les manifestations et les occupations, de créer des réseaux d'action avec plus ou moins de difficultés. Antarsya n'a pas tardé à digérer son revers électoral. Le retard des communistes prosoviétiques les laissent partiellement hors-jeu. Dans l'état actuel de la crise, Syriza ne veut pas rompre ses liens avec le capital, et se révèle comme une force réformiste radicale avec une apparence anticapitaliste.

Que faire aujourd'hui, et comment répondre au pouvoir, sans se réorganiser ? Il est nécessaire de soutenir en Grèce un programme clair de confrontation avec le capitalisme, pas seulement avec la bourgeoisie Grecque, mais aussi avec les institutions Européennes qui utilisent la Grèce comme laboratoire pour la classe ouvrière. Cette confrontation, qui implique une mobilisation constante et oblige à se situer au centre de la lutte des classes, avec un programme transitoire bien défini, seul l'axe d'Antarsya peut l'offrir, mais pas elle seule. Il est urgent de regrouper un pôle anticapitaliste avec tous ceux qui veulent aller au delà d'un simple horizon antilibéral. Il faut être à la hauteur de la période historique et ne pas nous contenter d'illusions. Il est temps de définir sérieusement les délimitations de la gauche révolutionnaire, et ses taches dans ces circonstances difficiles. Prendre ses désirs pour la réalité, dans les conditions actuelles, est extrêmement dangereux.

Tomás Martínez, militant de Izquierda Anticapitalista-Grenade 

(traduction : Yoann S.)