Publié le Vendredi 3 novembre 2023 à 19h00.

Solidaires, les militantEs internationaux en Cisjordanie !

Comme chaque année depuis 2001, des groupes de volontaires devaient aller en Palestine, à la demande des paysanEs palestiniens, pour les accompagner lors des cueillettes d’olives dans les champs interdits d’accès par les colons. Double enjeu : récolter le fruit de son travail et empêcher l’annexion des terres par les colonies. 

Les premiers volontaires devaient arriver le 10 octobre mais tous les vols ont été annulés à la suite des attaques du Hamas le 7 octobre. « L’Anticapitaliste » s’est entretenu avec des militantEs français de la solidarité internationale, présentEs sur place, à propos de la situation en Cisjordanie.

Pouvez-vous nous dire ce que la guerre à Gaza modifie dans le comportement de l’occupant en Cisjordanie et à Jérusalem ? Quels effets sur la vie des PalestinienEs des territoires occupés ? 

Les accords d’Oslo, avec leur découpage en trois zones A, B et C ont donné la possibilité à l’armée d’occupation israélienne de mailler l’espace en autant de bantoustans coupés les uns des autres. Chaque ville, chaque village peuvent en très peu de temps être coupés du monde. L’armée bloque le moindre chemin avec des buttes de terre et de cailloux, les soldats occupent tous les miradors pré-positionnés aux carrefours et le tour est joué : la Cisjordanie est figée. Dans les circonstances actuelles, à ce dispositif s’ajoute le fait que les colons se sont vu doter de 20 000 armes de guerre par le ministre fasciste Ben Gvir. La consigne a été donnée aux militaires de tirer à vue.

À Jérusalem, le même genre de dispositif est en place : les gardes-frontière sont omniprésents au moindre carrefour, les quartiers « arabes » bouclés. Les provocations des suprématistes sionistes se multiplient dans la vieille ville et sur l’esplanade des mosquées. De véritables chasses aux PalestinienEs sont organisées, jusque dans les hôpitaux. Cela concerne aussi les PalestinienEs disposant de la nationalité israélienne. 

Chasse aux sorcières dans les universités, licenciements, lynchages, arrestations, projet de loi de retrait de la nationalité : la moindre expression de compassion vis-à-vis des habitantEs de Gaza entraîne une répression immédiate. Les militantEs juifs du bloc anticolonialiste ne sont pas épargnés.

Le soutien inconditionnel fourni à Israël pour son opération contre les habitantEs de Gaza, par les gouvernements occidentaux lui donne carte blanche : il semble qu’il n’y ait plus de limites.

Comment les habitantEs, les militantEs, de Cisjordanie perçoivent-ils politiquement ­l’affrontement en cours à Gaza ? 

Les gens disent : « On a tout essayé… la résistance non violente, les négociations, Oslo, les appels incessants à une force d’interposition… et ça n’a rien donné ! Israël n’a jamais respecté la moindre résolution de l’ONU ! Il fallait bien que quelque chose bouge… »

Personne ne croit plus à l’ONU. Les gens dénient désormais aux dirigeants occidentaux le droit de se réclamer des droits humains qu’ils ne reconnaissent manifestement pas aux PalestinienEs. Le deux poids-deux mesures ne passe plus ! Ils ne comptent plus que sur eux et sur la solidarité des peuples et font bien la différence entre ceux-ci et leurs gouvernements.

Ce qui se passe à Gaza, c’est pour eux la continuation de la Nakba. Les gens en Cisjordanie pensent que leur tour viendra : des tracts ont été collés par les colons sur les voitures du village de Deir Istiya hier, enjoignant les habitantEs de faire leurs valises pour la Jordanie… La menace est claire ! Le génocide de Gaza, c’est le début de la mise en œuvre du projet sioniste d’épuration ethnique à l’échelle de l’ensemble de la Palestine.

La guerre provoque-t-elle une reconfiguration de la (des) résistance(s) en Cisjordanie ? 

Les militantEs de la gauche palestinienne, opposés à l’idéologie du Hamas, considèrent que la priorité absolue, c’est la lutte de libération nationale. Mais il semble évident que l’Autorité palestinienne est totalement déconsidérée. Deux manifestations viennent d’avoir lieu à Ramallah. Les officiels du Fatah sont venus faire de la figuration pour la photo : les manifestantEs, tous partis confondus, ont marqué la distance. Dans le cortège, des drapeaux du Hamas bien sûr, mais aussi ceux du FDLP… Une présence massive de jeunes et particulièrement de jeunes filles très dynamiques qui ne s’en laissaient pas compter !

Qu’attendez-vous de la solidarité internationale ?

L’urgence absolue, c’est l’arrêt des bombardements, l’acheminement de l’aide humanitaire et l’approvisionnement (toujours refusés par Israël) en carburant indispensable pour sa distribution, le fonctionnement des hôpitaux et la remise en route des installations permettant de produire de l’eau potable.

C’est aussi ce que demandent l’UNRWA1, l’OCHA2, ainsi qu’une coalition d’organisations israéliennes de défense des droits humains. Les organisations palestiniennes de défense des droits humains exigent la protection internationale immédiate du peuple palestinien.

Les PalestinienEs exigent la fin de l’occupation, de la colonisation et de l’apartheid et la réalisation pleine et entière de tous leurs droits. Pour cela il faut renforcer les manifestations dans le monde afin de faire pression sur les gouvernements et développer partout le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

  • 1. The United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East — Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiéEs de Palestine dans le Proche-Orient.
  • 2. Office for the Coordination of Humanitarian Affairs — Bureau de la coordination des affaires humanitaires, un département du Secrétariat de l’ONU.