Publié le Mardi 9 septembre 2014 à 11h01.

Troupes russes, hors d’Ukraine !

L'intervention militaire de la Russie dans l'est ukrainien, en soutien aux séparatistes de Novorossiya1, ne fait plus aucun doute. Avant, elle avait pris la forme de livraisons d'armes et de blindés, auxquelles s'ajoutait l'envoi de centaines de « volontaires ». Désormais, les troupes régulières russes participent directement aux opérations. Les associations de mères de soldats ont commencé à le dénoncer, à Saint-Pétersbourg et ailleurs, en faisant état de nombreux blessés et tués, ces derniers étant enterrés en secret sans que les familles ne soient informées du lieu et des conditions de leur mort.

Et de fait, Poutine ne se cache – presque – plus. Coup sur coup, fin août, il a comparé l'encerclement de Donetsk au siège de Léningrad pendant la Deuxième Guerre mondiale, affirmé que « le peuple russe et le peuple ukrainien sont quasiment un seul et même peuple », puis demandé la création d'un « statut étatique » pour les territoires de Novorossiya, endossant ainsi la revendication des séparatistes. L'impérialisme russe est décidé à tout faire pour empêcher que l'Ukraine échappe à sa sphère d'influence et, après Maidan et la chute de Ianoukovitch, cela passe par une politique d'affaiblissement et de dépeçage de l'Etat ukrainien ; d'abord l'annexion de la Crimée, ensuite la formation d'un Etat tampon dans deux régions qui, en outre, concentrent une très large part des matières premières et de l'industrie lourde du pays.

L'entrée de l'armée russe fait suite à une phase de la guerre, de la mi-juillet à la mi-août, durant laquelle les forces séparatistes avaient constamment reculé et perdu une grande partie des territoires qu'elles contrôlaient. Mais très vite, le rapport de forces militaire s'est inversé : l'armée de Kiev ne fait pas le poids devant celle de Poutine.

Les autorités ukrainiennes ont alors appelé les gouvernements occidentaux à leur secours, mais ceux-ci ne bougeront pas, ou ne feront que le minimum symbolique, comme c'est déjà le cas avec les « sanctions ». D'une part, personne ne veut d'un affrontement militaire avec la Russie (et c'est heureux, car les conséquences seraient absolument catastrophiques), d'autre part, trop d'intérêts économiques lient Européens et Russes, de plus dans une situation de crise économique persistante. Poutine le sait, et en profite.

Mais si c'est Moscou qui est à l'origine du conflit, Porochenko (élu président de l'Ukraine en mai dernier) et les oligarques qu'il représente portent également une lourde responsabilité. Au lieu d'affaiblir les bandes séparatistes en accordant aux régions du sud-est une large autonomie et en faisant appel sur cette base à leurs populations, ils ont lancé les forces armées ukrainiennes dans ce que leur propagande a dénommé « l'opération antiterroriste », en n'hésitant pas à bombarder les villes.

La situation est aujourd'hui catastrophique pour les populations de l'est, mais très problématique aussi pour celles du reste de l'Ukraine, qui supportent tout le poids de la guerre alors que les capitaux fuient pour échapper aux nouveaux impôts de guerre, et que l'économie s'effondre. L'extrême droite, marginalisée lors des élections présidentielles, où elle n'avait pas dépassé 2 %, reprend aussi du poil de la bête dans un climat marqué par les surenchères nationalistes et guerrières.

Il faut évidemment soutenir aujourd'hui la demande d'un cessez-le-feu, pour autant on ne peut pas tirer un trait d’égalité entre les deux parties. N'en déplaise à ceux qui dans la gauche française se font les porte-voix de la propagande poutinienne, présentant le conflit comme opposant de pauvres russophones opprimés à des nazis ukrainiens manipulés par la CIA, l’agresseur est bien la Russie. 

La situation évolue chaque jour davantage en une guerre d'agression d'un grand Etat aux visées hégémoniques contre un pays  plus faible qui défend son indépendance nationale. C'est pourquoi la première exigence est celle du retrait des troupes russes et de l'arrêt de l'intervention militaire de Moscou, conditions préalables à toute solution démocratique.

Jean-Philippe Divès

Notes

1 La « Nouvelle Russie », autoproclamée le 22 mai dernier en tant qu’« union des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ».